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Tsippora

Tsippora

Titel: Tsippora
Autoren: Halter,Marek
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dévalaient la pente vers
la bataille. On entendit le hurlement qui les accueillit. Les mules furent
débâtées en un clin d’œil et les lames de fer miroitèrent aux poings des
Hébreux.
    Là-bas, sur la pierre, je vis Aaron qui
venait soutenir le bras droit de Moïse. Un autre, que je ne connaissais pas,
fit de même avec son bras gauche.
    La bataille dura jusqu’au soir.
    C’est ainsi qu’au jour de mon retour je
ne vis pas mon époux.
    À la nuit tombante, Josué était
victorieux et rentra dans le camp acclamé par des chansons.
    Moi, parfumée d’ambre, parée de bijoux,
revêtue de ma plus belle tunique, mes deux fils contre moi, j’attendais Moïse
devant la tente que l’on venait de dresser. Mon cœur battait si fort que je
craignais que chacun l’entende.
    Comme Moïse tardait, occupé avec Aaron à
remercier Yhwh, ils furent des centaines à passer devant nous. Ils voulaient
s’assurer de la rumeur qui déjà bruissait d’un bout à l’autre du camp, plus
rapide que l’annonce de la victoire sur Amaleq : l’épouse de Moïse était
de retour.
    Et oui, c’était une étrangère, aussi
noire de peau qu’on l’avait dit. Une fille de Kouch.
    Enfin il y eut des cris, des sons de
trompes, de cornes de bélier, des tambours, des chants. Mes fils ne s’y
trompèrent pas, qui bondirent :
    — Voilà notre père Moïse ! Le
voilà.
    La foule montait vers nous en masse
serrée. Elle s’ouvrit.
    Seigneur Yhwh, qu’avais-Tu fait de mon
époux ?
    Il avançait, chancelant tel un
vieillard. Plus vieux, aurait-on dit, que mon père Jethro. Soutenu par Aaron et
Miryam, eux droits et forts, l’œil vif et victorieux.
    Gershom et Eliezer en restèrent
interdits. Le froid me monta dans la gorge et me gela les reins.
    Mon époux, mon bien-aimé. Mon Moïse.
    Un visage de fatigue, un visage
d’épuisement.
    J’ai murmuré :
    — Que t’ont-ils fait ? Que
t’ont-ils fait, comment est-ce possible ?
    Gershom a chuchoté :
    — Mon père ?
    Sa voix est parvenue jusqu’à Moïse, qui
a ouvert en grand les paupières. Il s’est redressé avec ce qui lui restait de
force.
    Grands seigneurs, Miryam et Aaron,
s’écartant de quelques pas, l’ont laissé nous accueillir.
    Tout autour, la multitude du peuple de
Yhwh nous regardait.
    Elle a vu Eliezer à la peau de métis
dans les bras tremblants de son père qui ne pouvait le porter. Tsippora,
ruisselante de larmes qui faisaient briller plus encore le noir de ses joues.
Gershom, qui s’accrochait à la taille de mon époux et enfouissait le visage
contre son ventre. Voilà ce qu’ils ont vu. La famille de Moïse en entier.
    Moïse a gémi :
    — Vous êtes là, vous êtes enfin
là !
    Sa voix était faible, mais tous l’ont
entendu. Dans le camp, le vacarme s’était tu. Plus un bruit. Plus un chant.
Plus un tambour, une corne ou un vivat. Le silence.
    Le silence pour se réjouir que la
famille de Moïse soit de nouveau enlacée.
    Alors Jethro, de sa vieille voix, a
poussé un cri :
    — Moïse, Moïse, mon fils. Gloire à
toi, gloire à Yhwh ! Qu’Il soit loué de toute l’Éternité, et toi
avec !
    Josué a fait sonner sa trompe, le bruit
du camp est revenu. Mon père Jethro a embrassé Moïse :
    — J’ai apporté de quoi faire un
festin de victoire ! Ce soir, ceux qui ont combattu pourront se rassasier.
    Moïse me tenait toujours la main. Il a
ri d’un rire que j’ai enfin reconnu. Il a dit :
    — Allons dans la grande tente du
conseil. Tu rencontreras les anciens.
    J’ai marché à côté de lui, entraînant
mes fils. Miryam fut devant moi, m’interdisant le passage :
    — Non ! Toi, tu ne peux aller
sous la tente du conseil. Elle est interdite aux femmes, et plus encore aux
étrangères. Il faudra que tu apprennes. Ici, ce n’est pas comme chez Pharaon et
encore moins comme à Madiân. Les femmes doivent se tenir à leur place. Elles ne
se mêlent pas des affaires des hommes. Si ton époux veut te voir, il ira chez
toi.
    *
    *   *
    Il est venu.
    Au cœur de la nuit, soutenu par Josué.
Je l’ai allongé sur ma couche.
    Tel un aveugle, du bout des doigts il a
frôlé mon visage, mon front, mes lèvres. Il a répété, avec un sourire dans la
voix :
    — Enfin, tu es venue. Mon épouse de
sang, ma Kouchite bien-aimée.
    J’ai remercié l’ombre, qui voilait mon
désespoir.
    Il s’est endormi avant que je puisse lui
répondre. Si vite, si brutalement que j’ai pris peur. J’ai cru que j’avais un
cadavre à
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