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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur
Autoren: Gary Jennings
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contenta de me
baptiser de cette simple lettre gotique : Thorn.
    On pourrait en inférer que je me mis à nourrir pour le
restant de mes jours un profond ressentiment à l’encontre de ma mère, qui
qu’elle ait été. Ne m’avait-elle pas ainsi abandonné à la merci
d’étrangers ? Jamais pourtant je ne l’ai méprisée ni condamnée. Au
contraire, je lui voue une reconnaissance éternelle. Sans elle en effet, je
n’aurais sans doute pas survécu.
    Il aurait suffi qu’à ma naissance, elle informe de ma
difformité des gens de son entourage pour que l’on s’imagine que j’avais été
conçu un dimanche, ou au cours d’une fête religieuse, les rapports sexuels ces
jours-là étant bien connus pour engendrer les conséquences les plus funestes.
Peut-être aurait-on pensé que j’étais le fruit du commerce charnel avec un skohl, l’un des démons sylvestres que nous avait légués la Vieille Religion, ou
encore que ma mère avait été la victime d’un insandjis, d’un Envoi.
Entendez par là un sort, une malédiction jetée par l’ haliuruns des
Goths, vieille sorcière restée fidèle aux croyances ancestrales et apte à user
des redoutables runes d’Halja, l’antique déesse des abysses infernaux. C’est du
reste sans doute du nom de cette dernière que nous autres chrétiens du Nord
avons tiré le mot « hell », de préférence au terme latin de
« Géhenne » issu de la langue des Juifs, encore plus méprisés chez
nous que les païens.
    Ce n’était que lorsque la population d’un village était
gravement décimée par la guerre, une épidémie, une famine ou autre calamité que
l’on consentait à épargner les enfants mal formés, nés infirmes, malingres ou
faibles d’esprit. On les laissait au moins vivre un moment, pour voir s’ils
pourraient être éduqués de manière à se rendre dans une certaine mesure utiles.
Et si les parents de l’enfant éprouvaient une trop grande honte à l’élever et
le nourrir, les anciens du village allaient jusqu’à cotiser pour que l’enfant
handicapé soit « assis sur les genoux » d’un couple sans progéniture
et désireux de l’adopter. Quoi qu’il en fût, à l’époque où je naquis, la paix
régnait sur les terres burgondes, depuis que ce belliqueux trublion de Khan
Attila avait trouvé la mort et que ses rapaces Huns avaient fui à l’est, vers
la Sarmatie d’où ils étaient venus. Or dans toute région jouissant de ce genre
de paix et de prospérité, l’enfant né difforme ou affligé d’une quelconque
insuffisance – quand il ne s’agissait pas simplement d’une fillette de
famille pauvre – était déclaré « mort-né » et sommairement exécuté,
à moins qu’on le laissât périr d’inanition ou qu’on ne l’abandonnât aux
prédateurs en pleine nature, pour le plus grand profit de la race.
    Ma mère avait dû réaliser très tôt, sinon dès le premier
regard, que l’être qu’elle venait de mettre au monde était largement inférieur
à la plus vile femelle, et plus monstrueux encore que le fruit d’un skohl. Qu’elle
ait alors décidé de défier la coutume propre à toute personne civilisée
consistant à éliminer les enfants mal formés est donc plutôt à mettre à son
crédit. Ayant été le bénéficiaire de ce geste de défi, c’est du moins ainsi que
je vois les choses, en songeant qu’elle aurait pu me jeter sur un tas d’ordures
ou m’abandonner dans les bois aux crocs des loups. Son cœur de mère avait été
assez tendre pour préférer laisser les frères de Saint-Damien déterminer ma
destinée.
    L’abbé de l’époque et l’infirmier du monastère avaient
assurément dû démailloter le nourrisson, et n’avaient pu manquer de constater à
leur tour quelle singulière créature j’étais : d’où, sans doute, ce nom
ambigu dont on m’avait baptisé. Vraisemblablement mû par un instinct de
curiosité, l’abbé, comme l’avait fait ma mère, décida de me laisser la vie.
Mieux, il m’accorda, à charge pour moi de parvenir à l’âge adulte, le statut de
la masculinité, ce qui dénote de sa part d’une réelle compassion à mon égard.
En effet, l’individu mâle bénéficie en ces terres chrétiennes de droits et
privilèges auxquels nulle femme, même bien née, ne pourra jamais prétendre.
    C’est ainsi que je fus accepté dans le monastère tel un
oblat parmi d’autres, confié par des parents désireux de le voir grandir dans
les ordres, et l’on
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