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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur
Autoren: Gary Jennings
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il est le
principal prédateur des serpents, entre autres de la venimeuse vipère.
Connaissant la nature extraordinaire et paradoxale de Thorn, je fus fort
intéressé d’apprendre que les habitants du Cirque de Baume hésitent encore sur
le point de savoir si, chez cet oiseau, le plus impitoyable est le mâle ou la
femelle.
    G-J. [3]

 
LE CIRQUE DE BAUME



1
    Lisez ces runes ! Elles ont été tracées par Thorn le
Mannamavi, et non sous la dictée d’un maître, mais selon ses propres mots.
     
    Prêtez-moi l’oreille, vous qui êtes vivant, et qui avez
découvert ces pages rédigées par mes soins au temps où moi aussi, j’étais
vivant. C’est l’histoire authentique d’une époque révolue. Peut-être auront-elles
traîné si longtemps dans la poussière qu’à votre époque, ces jours anciens ne
seront plus évoqués que par les chants de vos ménestrels. Cependant, akh ! tout ménestrel imprime sa marque dans l’histoire qu’il conte, lorsqu’il la
censure ou l’embellit dans le but de captiver ses auditeurs, de flatter son
patron, son maître ou son dieu, ou au contraire, pour diffamer leurs ennemis,
au risque d’obscurcir la vérité sous les voiles de la fausseté, de l’éloge
moralisateur, ou de mythes imaginaires. C’est pour que l’on connaisse les
événements de mon temps dans leur stricte réalité que j’ai voulu les relater
ici sans poésie ni partialité, sans la crainte de quelconques représailles.
    Je ferais d’ailleurs mieux de commencer par vous conter
quelque chose de très intime me concernant, une vérité que très peu de gens,
même à mon époque, ont jamais soupçonnée. Vous qui lisez ces pages, que vous
soyez un homme, une femme, ou même un eunuque, devez d’abord comprendre que
j’étais radicalement différent de vous. Faute de quoi l’essentiel de ce que je
vous dirai ensuite risque de vous sembler totalement incompréhensible. J’ai
longtemps cherché, croyez-moi, une manière adéquate d’expliquer l’étrange
particularité de ma nature. Je craignais d’induire un mouvement d’horreur et de
répulsion, de provoquer le rire ou le mépris. Mais tergiverser ne servirait à
rien. Aussi, afin que vous compreniez ce qui me différencie de tous les autres
êtres vivants, je ne vois pas meilleur moyen que de vous relater comment j’ai
été amené à le découvrir moi-même.
     
    *
     
    Cela s’est produit durant mon enfance, dans la grande vallée
arrondie appelée le Balsan Hrinkhen. Je devais avoir environ douze ans,
et j’officiais comme garçon de cuisine dans notre monastère, dont le
maître-queux était alors un certain Frère Pierre. C’était un Burgonde, qui
s’était auparavant appelé, dans le monde extérieur, Guillaume le Voleur. Un
homme entre deux âges, assez corpulent, à la respiration bruyante et à la face
si rougeaude que sa tonsure d’un blanc cadavérique semblait posée telle une
casquette en tissu sur sa grisonnante tignasse rousse. Ce moine ne nous ayant
ralliés que depuis peu, il n’occupait qu’un poste subalterne au sein du
personnel du monastère Saint-Damien le Martyr, et s’était vu désigné comme
cuistot, car c’était la tâche la moins prisée parmi les autres moines. Il
savait pertinemment que ceux-ci ne risquaient pas de s’aventurer dans sa
cuisine pendant qu’il s’y trouvait à l’ouvrage, à moins qu’ils ne fussent
contraints d’y exécuter quelque odieuse tâche ménagère. Aussi ne craignait-il
guère d’être surpris ou interrompu en pleine action lorsqu’il souleva l’arrière
de mon sarrau et se mit à me caresser les fesses en disant, dans le rude accent
burgonde avec lequel il maniait la Vieille Langue :
    —  Akh, tu as un charmant petit cul, mon
bonhomme. Et pour être honnête, ta frimousse n’est pas vilaine non plus, les
rares fois où il lui arrive d’être propre.
    Cette façon de me toucher ainsi avec une telle familiarité
me stupéfia, mais ses mots me blessèrent encore bien davantage. Ma tâche
d’aide-cuistot m’amenait bien sûr à me salir le visage, que ce soit à cause de
la suie ou des cendres de l’âtre. Cependant, étant peut-être, à part l’abbé, le
seul moine à me dévêtir totalement lorsque j’allais me baigner dans les
cascades de la vallée, ce que je faisais très souvent, j’étais sans doute l’un
des plus propres, bien plus en tout cas que Frère Pierre et la plupart de ses
congénères.
    — Enfin, tu as au moins ça de propre,
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