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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur
Autoren: Gary Jennings
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fois qu’on me décrivait comme une
« chose ».
    C’est ainsi que je fus banni des deux abbayes, et que l’on
m’ordonna de quitter la vallée du Balsan Hrinkhen, pour ne plus y
revenir. Je me trouvais exilé pour mes péchés, m’expliqua Dom Clément lors de
l’entretien privé que nous eûmes avant mon départ définitif, bien qu’il admît
qu’il ne parvenait pas à les qualifier d’une appellation religieuse acceptable.
On me permit de partir avec mes effets personnels, mais l’abbé me mit en garde
contre toute tentation d’emporter quelque chose qui appartînt à l’une des deux
abbayes… Toutefois il me glissa gentiment dans la main une pièce, rien moins
qu’un solidus d’argent.
    Il finit aussi par me dire ce que j’étais, bien que désolé
d’avoir à me le révéler. J’étais, dit-il, le genre de créature que l’on nomme
dans la Vieille Langue un mannamavi , un « homme-femme »… ce
qui se nomme en latin androgynus, et en grec arsenothélus. Je
n’étais ni un garçon ni une fille, mais les deux à la fois, et donc aucun des
deux. Je crois que je cessai dès cet instant d’être un enfant. Cette révélation
me fit considérablement vieillir.
    Contrairement à l’admonition de l’abbé, je pris avec moi en
quittant le monastère deux choses qui n’étaient point ma stricte propriété, je
dirai lesquelles tout à l’heure. Mais rien qui valût sur le long terme, la
certitude – et je n’en réalisai pas sur le coup toute la valeur – que
durant ma vie entière, je ne serais jamais plus victime de mon amour pour un
autre être humain. Puisque je n’étais véritablement pas un homme, je serais à
jamais incapable d’aimer vraiment une femme, quelle qu’elle soit. N’étant pas
non plus une femme, il me serait impossible de tomber amoureux d’un homme, de
la même façon. J’étais à jamais délié des liens qui emprisonnent, des
tendresses qui affaiblissent, des dégradantes tyrannies de l’amour.
     
    *
     
    J’étais Thorn le Mannamavi, et aucun homme, aucune femme
dans toute la Création ne serait plus rien d’autre à mes yeux qu’une proie.

 
2
    J’ai dit que je devais « sans doute » avoir douze
ans lorsque Frère Pierre releva pour la première fois mon sarrau. Je ne saurais
être plus précis sur mon âge, car j’ignore où et quand je suis né. Pour un être
appelé plus tard à voyager aussi loin, à traverser tant de pays, à rencontrer
tant de peuples… destiné à vivre tant d’événements reconnus aujourd’hui comme
ayant changé le cours de l’histoire… un être qui serait un jour le bras droit
de l’homme le plus puissant du monde… mon destin débuta d’une manière fort
humble, voire ignominieuse.
    Le seul fait dont je sois certain, concernant mes origines,
est qu’en l’an 1208 de la fondation de Rome, au cours du règne éphémère de
l’empereur Avitus, en l’an 455 ou 456 de Notre Seigneur, soit un ou deux ans
après la naissance de celui qui allait devenir le plus grand homme de notre
époque, le nourrisson que j’étais fut découvert au point du jour sur le seuil
boueux du monastère Saint-Damien le Martyr. Je n’étais alors âgé que de
quelques jours, de quelques semaines ou de quelques mois, je ne sais pas
exactement. On n’avait laissé auprès de moi aucun message, et le seul élément
permettant de m’identifier était un caractère tracé à la craie sur la grossière
toile de chanvre paysanne dont j’étais langé : la lettre þ.
    L’alphabet runique de la Vieille Langue s’appelle le futhark, car c’est le mot que forment ses six premières lettres : le F, le U,
et ainsi de suite, comme le font le A, le B et le C dans l’alphabet romain. Le
troisième caractère du futhark est le qui se prononce thorn, car il
représente le son th. Cette marque sur mes langes, si tant est qu’elle
ait signifié quelque chose, aurait pu être l’initiale d’un prénom tel que
Thrasimond, ou Théodebert. Ce qui aurait fait de moi un Burgonde, un Franc, un
Gépide, voire un Thuringien, un Suève ou un Vandale, ou bien le rejeton d’une
des autres races germaniques. Mais sachant que seuls les Ostrogoths et les
Wisigoths utilisaient encore de temps à autre les anciens caractères runiques,
l’abbé d’alors conclut que je devais être de souche gothe. Et plutôt que de
m’attribuer un prénom germanique commençant par th, ce qui l’aurait
contraint à le choisir soit masculin, soit féminin, il se
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