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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig
Autoren: Dominique Bona
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de grands brassages. « Le génie de Vienne est proprement musical, dira-t-il plus tard, en se rappelant sa jeunesse. Il a toujours été d’harmoniser en soi tous les contrastes ; qui vivait et travaillait là se sentait libéré de toute étroitesse. » Etre juif ne saurait être pour lui qu’une limite, une définition trop étroite. Parler allemand élargit l’espace, enrichit une identité qui cherche à dépasser ses origines, à s’affranchir des premiers liens. Etre autrichien a cet avantage de lui permettre de côtoyer les plus divers, les plus étonnants folklores et d’éprouver jusqu’au vertige les vertus de la différence et de l’échange. Mais être viennois, c’est plus encore. C’est vivre au cœur même du brouhaha, dans la diversité la moins banale et la plus quotidienne, parmi des citadins qui, quels que soient leurs préjugés de classe, se montrent exceptionnellement et dans leur quasi-unanimité sensibles aux arts : au théâtre et à la musique, à l’opéra, à la littérature. Ce qu’il préfère au monde est aussi à Vienne l’objet du culte de chacun.
     
    Les Viennois ont été bercés dès l’enfance par les sonates et les concertos de Mozart, de Haydn, de Gluck, de Beethoven, et connaissent par cœur, pour les avoir entendu chanter ou réciter mille fois, des tirades entières de pièces ou d’opéras. L’actualité culturelle, infiniment riche et variée, déchaîne les passions. Au café ou en famille, autour d’une table couverte des traditionnels gâteaux au chocolat et des tasses de café à la crème fouettée, on débat des heures sur les mérites d’un acteur, d’un musicien, d’une cantatrice, de la présence sublime sur les planches de Joseph Kainz ou de Charlotte Wolter. Les Viennois tiennent les grands musiciens, les chanteurs d’opéra, les comédiens, les tragédiens, et aussi les écrivains, tous les artistes, pourvu qu’ils aient du talent, pour des dieux vivants. Ils les vénèrent, les idolâtrent. Nulle part comme à Vienne, il n’y a dans le monde, pas même à Paris ou à Milan, un tel consensus de la population. La vendeuse et le grand bourgeois, l’aristocrate et le cocher de fiacre, l’intellectuel et le marmiton, qui vivent dans des strates séparées, rigoureusement hermétiques, trouvent un accord inattendu dans cette passion commune à tous. « On n’était pas un vrai Viennois, dira Zweig, sans cet amour de la culture. »
     
    Amoureux d’une lumière et d’une atmosphère, confiant dans la bonne étoile de Vienne, croyant en ses promesses de le laisser vivre libre et en paix, le jeune homme aspire à toujours plus d’ouverture, à toujours plus de dialogue. C’est sa manière à lui d’être profondément viennois. Croit-on, parce qu’il parle et écrit l’allemand, qu’il ne connaît depuis l’enfance qu’un seul univers, des Nibelungen à la musique de Brahms ? A la maison, il s’exprime aussi en italien avec sa mère qui est née à Ancône et y a encore des parents. Son père parle un excellent anglais et lui-même est parfaitement capable de lire Shakespeare dans le texte. La culture de sa famille est imprégnée du cosmopolitisme inscrit dans son histoire et dont elle a su inculquer l’esprit à ses fils. Stefan Zweig qui, outre l’anglais et l’italien, a étudié le grec et le latin, ressent un goût particulier pour le français : il le parle et l’écrit couramment. Il déclare aimer Voltaire et Racine, autant que Goethe et Schiller. Par son éducation et de toutes ses fibres, l’Europe pour lui n’a pas de frontières, l’Europe des Lumières, où Vienne brille d’un éclat joyeux. « Nulle part, écrira-t-il, il n’était plus facile d’être un Européen. »
     
    Bien plus que s’assimiler au paysage, et se fondre dans le creuset de sa ville pour devenir un jour un écrivain autrichien, peut-être même un grand écrivain autrichien, il rêve de faire reculer toujours plus loin les limites, d’ouvrir les horizons. Le jeune homme au regard caressant et grave, dévoreur de livres et amateur de billard, qui rougit lorsqu’il parle et ne s’endort jamais qu’à l’aube, a une personnalité généreuse et confiante. Il croit plus que tout à l’amitié, et ce qui vaut entre les êtres devrait valoir aussi, pense-t-il, entre les peuples. Si l’Autriche-Hongrie lui a donné, dit-il, le « goût du supranational », si elle a fait de lui, en lui montrant l’exemple du brassage, un
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