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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig
Autoren: Dominique Bona
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malgré les lois, et malgré l’empereur qui prétend être le moins antisémite de tous les Autrichiens, aucun Juif, par la force de la tradition, n’a-t-il jamais eu accès aux plus hauts postes de l’administration, de la diplomatie, de l’enseignement ou de l’armée, domaines réservés aux catholiques de pure souche ou, parfois, à des convertis. Les exceptions, rarissimes, confirment la règle officieuse de l’exclusion. François-Joseph se félicite de compter dans sa Reichswehr, sur les doigts de la main, quelques officiers de cette religion. A l’université, les jeunes gens juifs représentent un tiers des étudiants, pourcentage considérable par rapport à la population juive. Les premières années ne leur posent aucun autre problème que celui de ne pas pouvoir se battre en duel. S’ils travaillent, ils obtiendront leurs diplômes, sans rencontrer d’injustice particulière. Toutefois les barrages se révéleront par la suite insurmontables, s’ils briguent les postes les plus prestigieux. En effet, le titre de professeur titulaire, Professor ordentlich , encore appelé ordinarius , est traditionnellement, sans qu’aucune loi le stipule, réservé aux catholiques. Sans un certificat de baptême, les plus haut diplômés resteront à jamais des professeurs non titulaires, ausordentlich , ou extraordinarius , étiquette qui a beaucoup moins de prix.
     
    Ces obstacles, le jeune homme n’entend pas s’attarder à les considérer. A peine les voit-il, à l’arrière-plan du tableau, dessiner quelques ombres qui n’inquiètent pas même ses rêves. Il n’a pas peur de l’antisémitisme, le considère comme le revers de la médaille, l’autre face de la chance qui l’a fait naître ici dans la plus délicieuse, la plus artistique, la plus nonchalante des métropoles. Il sait qu’en dépit des discours et des rancunes, la vieille maxime viennoise « Vivre et laisser vivre » finit toujours par l’emporter, créant un climat de liberté, et même de tolérance. Il y a un bonheur particulier à vivre ici, parmi des gens dans l’ensemble paisibles et aimables, de surcroît amateurs d’art, de musique, de théâtre et de bonne chère. Il faut dire que Stefan Zweig n’avoue aucune ambition, ne veut pas faire carrière, et se moque de rester ad vitam aeternam un Professor ausordentlich . Ce qu’il aime, ce sont les promenades dans Vienne, les longs après-midi au café, à jouer aux échecs ou au billard avec des amis aussi insouciants que lui, les soirées au théâtre, à l’opéra et au concert, et puis lire la nuit, en fumant dans son lit jusqu’à l’aube, en rêvant des romans qu’il va écrire. Il parlera un jour du « don de jouir, le plus sain des superflus que nous donne la vie ». Selon lui, un don typiquement viennois.
     
    Ce jeune Autrichien, aux manières réservées, qui s’exprime encore en rougissant, avec une timidité d’adolescent, a une vocation aussi solide et tenace que d’autres pour le barreau, la presse ou la médecine : il sera un jour écrivain. C’est le seul avenir qu’il imagine pour lui-même. Or, dans ce domaine qui le passionne, la littérature, il n’y a pas d’exclusion, sous l’effet du fanatisme. Chacun est libre d’exercer sa plume comme il l’entend, et s’il y a de l’ ordinarius ou de l’ extraordinarius dans l’air, chacun ne le doit qu’à son inspiration ou à son talent. Faire le vœu d’être écrivain, c’est vouloir être avant tout un homme libre, dans cette Autriche de la Belle Epoque qui, malgré le poids de ses traditions et son esprit de caste, lui laisse la bride sur le cou, et lui ouvre toutes grandes les portes. « Vivre et laisser vivre »… Vienne, croit-il, ne lui déniera jamais ce droit.
     
    Dans sa vocation d’écrivain, Goethe et Schiller ont joué le plus grand rôle. S’il rêve d’écrire, c’est dans cet allemand très pur, très classique, qui lui donne un sentiment de pérennité et de transcendance, celui-là seul qui a permis à l’Autriche d’abolir les différences ethniques ou raciales et d’unir les citoyens.
     
    Pour Stefan Zweig, être viennois est à la fois une chance et un programme. Une chance, parce qu’en comparaison des orages et des tempêtes qui, plus à l’est, empoisonnent le climat de l’Europe, c’est un ciel paisible qui s’offre à lui. Et un programme, parce qu’il est né là au confluent de toutes les cultures, entre Orient et Occident, sur une terre
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