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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig
Autoren: Dominique Bona
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l’exacte réplique du nôtre, de l’autre côté d’un miroir sans tain. Tout est trouble et opaque, douloureux et subtil, passé au tamis de cette prose claire, qui paraît par le plus grand contraste si tranquille et sereine au regard de ce qu’elle met en scène.
     
    Des femmes adultères, coupables surtout d’être mal aimées. Des enfants qui, très tôt, perçoivent la souffrance des mères. Des jeunes hommes appelés par un destin tragique, qui perdent toute chance de jouer les bonnes cartes ou de jeter les dés pour se sauver. Zweig ne propose que des cas désespérés qu’un dénouement parfois heureux ne parvient pas à amender. S’il y a un parti pris chez lui, c’est la noirceur. Tout est gouffre dans cette œuvre, presque entièrement vouée à la nuit – décor favori de cet écrivain des ombres et des fantômes qui excelle dans les évocations du soir. Qui ne se souvient de la nuit sans étoiles d’Amok, où la fumée du tabac hollandais s’envole au-dessus de la mer et des confidences chuchotées des protagonistes, vers un ciel d’encre ? Ou de la nuit du joueur, plus opaque encore au sortir du casino ? Ou de la nuit de la femme adultère, avec sa voilette noire, comme si elle ne suffisait pas à cacher sa honte et sa peur ? La nuit de Stefan Zweig compte pour beaucoup dans la fascination qu’il exerce sur ses lecteurs. Elle captive ; elle retient ; elle enserre aussi comme un étau ce qui demeure la clef de ses nouvelles – ce secret qui brûle à l’en croire en chacun, en chacune de nous.
     
    Le secret, épicentre de son univers, résume sans doute son projet qui est d’éclairer de la manière la plus délicate, mais aussi la plus subversive, le cœur humain.
     
    Qu’importe le contexte historique ? Il n’y en a pas chez Zweig. Les nouvelles pourraient, à quelques détails près (une voilette, une ombrelle, un gibus, une calèche…) se dérouler à n’importe quelle époque et évidemment aujourd’hui. Elles n’ont pas besoin d’être éclairées par les événements extérieurs ou par le tableau d’une société. Elles sont universelles : valables en tous temps, en tous lieux. Détachées de l’Histoire, perceptible seulement par son poids de menaces, elles visent l’humain. Tout simplement. Nul n’a mieux que Zweig raconté les drames qui surviennent dans une vie, ni percé à jour les tabous qui peuvent la dévaster. Les femmes, ses héroïnes préférées, y sont aimées, exaltées mais aussi complètement mises à nu – on pourrait dire décryptées, selon le principe freudien, jusque dans ces voluptés qu’elles n’osent même pas s’avouer à elles-mêmes.
     
    Sous le ciel noir de son œuvre, dans la lumière crépusculaire de ses nouvelles, de ses essais et de ses biographies, il est probable que notre époque, tourmentée et douloureuse, trouve aussi une correspondance inattendue. L’univers de Zweig serait-il au diapason de nos peurs, de nos angoisses contemporaines ? Ne nous renvoie-t-il pas, avec ses êtres consumés et pantelants, un écho au diapason de notre pessimisme ? Il y a une désespérance, une morbidité chez Zweig qui peuvent paraître s’accorder aux violences et aux déchirements des générations de l’après-guerre, et même du lointain après-guerre. Une désespérance, une morbidité qui peuvent expliquer la force d’attraction qu’elles exercent notamment sur les adolescents. Ces fumées délétères de l’œuvre, qui sont peut-être son drame le plus envoûtant, continuent d’agir comme un poison mortel.
     
    Mais l’œuvre – et c’est son prodige – contient son contre-poison. Cet étrange pouvoir de consolation, si familier à ses lecteurs, au sein des récits les plus sombres : comme une pâle lueur à l’aube. L’espoir d’un possible matin. Après sa plongée dans les abîmes, le lecteur retrouve l’espoir ou la diffuse promesse d’un espoir. Zweig n’abandonne jamais son lecteur dans la nuit. Il y a trop de pitié, trop de bonté chez cet écrivain qui a porté aux sommets – et c’est sans doute aussi un de ses principaux attraits – l’art de la commisération.
     

I
     
    L’illusion du bonheur
     

    Un jeune homme viennois
     
    C’est un jeune homme svelte, aux yeux de velours noir, aux manières feutrées, au sourire d’exquise courtoisie. Il a dix-neuf ans en 1900. Il fume cigarette sur cigarette, se lève et se couche tard, ne pratique aucun sport et, lorsqu’il ne joue pas aux
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