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Spartacus

Spartacus

Titel: Spartacus
Autoren: Max Gallo
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d’une falaise, près des flammes qui consumaient deux gros troncs d’arbres.
    Une femme dansait autour du foyer, ses cheveux blonds tombant sur ses épaules, le corps caché par une peau de mouton. Elle s’arrêtait soudain, prenait à deux mains les anses d’une petite amphore, puis, la tête rejetée en arrière, elle buvait. Le vin coulait des commissures de ses lèvres sur sa poitrine.
    Trois hommes étaient assis non loin du feu. L’un d’eux s’est levé et s’est avancé vers moi. Il portait une cape de couleur pourpre attachée à son cou par une chaîne d’or. Il était de haute stature. Sa prestance, son expression orgueilleuse, l’intensité de son regard et jusqu’aux rides méprisantes qui cernaient sa bouche, révélaient le chef.
    Il a tiré de son fourreau un glaive court de centurion. Il a approché la pointe de sa lame de ma gorge, m’en a éraflé la peau et j’ai senti la brûlure de l’entaille, le sang qui perlait.
    — Regarde Spartacus avant de mourir, m’a-t-il dit.
    Puis, brusquement, il a rentré son glaive dans le fourreau et s’est assis près de moi.
     
    — Tu es jeune, pour un légat, a-t-il repris. Qui es-tu ?
    Je ne voulais pas répondre à ce barbare, à cet esclave.
    J’étais magistrat de la République romaine. Je donnais des ordres et n’en recevais pas. J’étais citoyen. Spartacus, lui, n’était qu’une bête parlante.
    J’avais suivi avec les légions sa trace sanglante. Les corps de citoyens égorgés, mutilés, de femmes éventrées, les villas réduites en cendres, les arbres fruitiers abattus, les vignes et les moissons saccagées jalonnaient sa route des Abruzzes à la Campanie, de la Lucanie au Bruttium.
    Mais le piège s’était refermé sur lui. Nous allions le percer de nos javelots comme un sanglier acculé dans sa tanière.
    Et pourtant, peut-être pour le défier, lui faire mesurer son indignité de bête sauvage et la grandeur de Rome, de cette République qu’il avait osé défier, dont il avait rejeté les lois, j’ai fini par lui dire que j’étais Gaius Fuscus Salinator, de la famille des Pedanius, aristocrates d’Espagne, citoyens de Rome pour qui nous avions combattu de père en fils, accédant aux plus hautes charges de la République.
    Spartacus m’a considéré avec mépris, une moue déformant sa bouche.
    — Tu n’es plus rien, a-t-il dit en se penchant vers moi. Tu as les chevilles et les poignets liés. Tu es semblable à un esclave ou à un gladiateur qu’on va égorger parce qu’il a déplu à ses maîtres. Cette nuit, ici même…
    Il a pris une poignée de terre et l’a laissée lentement couler entre ses doigts.
    — Toi, tes ancêtres, ta vie valent moins que cela : un peu de sable et de gravier.
    Il s’est tourné vers les deux hommes assis de l’autre côté du feu.
    La jeune femme continuait de danser, les frôlant, soulevant sa peau de mouton, montrant sa tunique de lin collée à son corps mince et musclé.
    — Crassus va vaincre, a repris Spartacus. Demain ou dans quelques jours. Les dieux qui ont voulu la puissance de Rome en ont décidé ainsi. Et je vais mourir. Les dieux ont été généreux avec moi. Ils réclament à présent ma vie, je la leur dois.
    Il s’est levé et a commencé à déambuler autour du foyer, enfonçant parfois ses doigts dans sa longue chevelure noire, serrant sa tête entre ses paumes. Puis il s’est arrêté, a posé une main sur l’épaule de l’un des hommes, et l’autre sur celle du second.
    — Crassus veut que notre sang recouvre ce que nous avons fait. Il veut que l’on ne se souvienne que de notre châtiment, des supplices qu’il va nous infliger. Il faut, pour sa grandeur et celle de Rome, que nos victoires soient oubliées. Qu’aucun homme ne sache qui était Spartacus. Toi, Posidionos…
    Il s’adressait au plus vieux des deux hommes, le chauve au visage rond dont j’imaginais, sous le long manteau, le corps replet.
    — Tu m’as lu les histoires des Grecs, comment ils ont vaincu les empires. Tu as traversé la mer, enseigné à Rhodes, vécu à Délos et à Rome. Les Grecs, grâce à toi, ne sont pas morts. Quant à toi, Jaïr…
    L’autre homme était maigre ; les joues creusées, le regard ardent, des mèches bouclées couvraient son front osseux.
    — … tu viens de Judée. L’histoire de ton peuple est tout entière dans un livre, m’as-tu dit. Et chacun connaît ainsi ton Dieu, le courage et la foi de tes ancêtres.
    Spartacus
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