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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto
Autoren: Nicolas Remin
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l’orifice et se déposa sur le sol. Le public regarda d’abord le trou au plafond, puis le sergent qui, de son côté, observait l’arme dans sa main d’un air effrayé. Il finit par relever la tête et par jeter un coup d’œil sur le côté. M. Grenouille nota une expression de soulagement sur son visage. Il se tourna donc à son tour et aperçut un homme qui pénétrait dans le poste de garde en compagnie d’un inspecteur en uniforme.
    L’individu était de taille moyenne, ses cheveux blond foncé commençaient à grisonner. Il portait une redingote usée, ornée d’une pochette blanche qui lui conférait une allure d’artiste, tandis qu’un lorgnon à monture dorée était fixé sur son nez. M. Grenouille lui donnait dans les cinquante-cinq ans. L’homme s’arrêta avec calme sur le pas de la porte. La scène ne semblait pas l’impressionner outre mesure. Seul son sourcil gauche se leva un peu quand il aperçut le trou dans le plafond.
    Dans l’intervalle, l’Italien était parvenu à se soustraire à l’emprise de son agresseur. Il était cependant encore bien loin de lui avoir échappé. Il se réfugia à nouveau dans le coin, pâle comme un linge, tandis que l’Autrichien se remettait à fendre l’air de son couteau en répétant : « Je vais te refroidir ! »
    Le sergent était toujours à côté d’eux, les bras ballants, sauf que son regard oscillait à présent entre les deux coqs de basse-cour et l’homme sur le pas de la porte. De toute évidence, il attendait de celui-ci qu’il prît les choses en main. Le public n’en escomptait visiblement pas moins car tous les yeux étaient tournés vers lui. M. Grenouille supposa qu’il s’agissait du commissaire en charge du secteur. Bien entendu, tous se demandaient ce qu’il allait faire.
    Hélas, le commissaire n’entreprit rien du tout. Il se borna à rester là où il était et à balayer la pièce d’un regard pensif sans prêter attention aux hurlements de l’Autrichien. Presque une minute s’écoula ainsi ; le public s’ennuyait déjà quand il se mit enfin en branle et se dirigea d’un pas lent vers les coqs de basse-cour. D’un petit geste de la main, il avait engagé l’inspecteur en uniforme qui lui emboîtait le pas à rester à sa place.
    M. Grenouille le vit s’arrêter près d’une table où un autre sergent était assis devant une tasse de café. Il se pencha pour la prendre, l’approcha de son nez, la huma et hocha la tête d’un air satisfait. Le café fumait. Il était brûlant. Sans doute venait-on juste de le faire. Le commissaire reprit son chemin, la tasse à la main. Une fois devant les deux adversaires, il s’immobilisa.
    En vérité, tous avaient cru qu’il dirait enfin quelque chose. Mais, de nouveau, il se contenta de regarder le spectacle, ce qui incita l’Autrichien à cesser ses cris, baisser le couteau et fixer le commissaire de ses yeux écarquillés. Celui-ci l’approuva d’un hochement du menton avant de porter tranquillement la tasse à ses lèvres. Non ! Pas vraiment à ses lèvres. Car à ce moment-là il se produisit quelque chose qui prit tout le monde de court.
    Le geste fut rapide, guère plus qu’une rotation énergique du poignet. La tasse s’éleva et le café brûlant atterrit sur le visage de l’Autrichien qui lâcha son couteau en hurlant et s’essuya les yeux à deux mains. Le commissaire en profita pour lui envoyer son pied dans l’entrejambe, puis à la hanche. Quand l’homme eut touché le sol, il le frappa une dernière fois au nez, d’où un flot de sang jaillit aussitôt.
    L’Italien, soulagé, tomba à genoux tandis que le public, qui avait accompagné l’assaut du commissaire de murmures d’approbation, applaudit à tout rompre. M. Grenouille trouvait le coup de pied sur le nez assez brutal. Mais il fallait reconnaître que, d’un point de vue artistique, il parachevait l’ensemble. Les Italiens, comme on le sait, adorent les effets dramatiques.
    Le commissaire se retourna sans se presser et rajusta sa pochette. Pendant un instant, M. Grenouille aurait parié qu’il allait saluer. Il se contenta toutefois d’un bref sourire.
    — Je veux un rapport, Bossi, dit-il à l’inspecteur en uniforme qui s’était approché, la mine surprise. D’ici une demi-heure dans mon bureau.
    Le commissaire jeta un regard de dégoût sur le sol et ajouta :
    — Et qu’on me nettoie ce sang !
    1 - « Je vous en prie, messieurs ! Je vous en
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