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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto
Autoren: Nicolas Remin
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l’empêchait de respirer. Des éclairs dansaient devant ses yeux. Elle n’entendait plus que les battements de son cœur qui résonnaient dans sa poitrine comme le marteau d’un forgeron. Puis elle sentit sa figure devenir rouge et brûlante, boursouflée comme si on l’avait aspergée d’eau bouillante.
    « Mon Dieu, je dois être affreuse », pensa-t-elle. Une pensée puérile et superflue. La dernière qui lui traversa l’esprit.
    Pendant les ultimes secondes où son cerveau fonctionnait encore, Livia Azalina se rendit compte que l’homme la projetait sur la banquette et déchirait sa robe. Une lame brilla dans sa main. Avant que le rasoir la transperce, la jeune femme sombra dans une obscurité bienfaisante.
    1 - « Courtisan. » ( N.d.T. )

    2 - « Pardon. » ( N.d.T. )

2
    En fait, on se serait plutôt attendu à l’inverse, pensa M. Grenouille. Le cliché aurait voulu que ce soit l’Italien dans sa veste éliminée qui menace d’un couteau l’Autrichien bien habillé. Or là, c’était l’Autrichien bien habillé et manifestement ivre mort qui avait poussé l’Italien dans un coin du poste de garde au commissariat central et qui fendait l’air avec sa lame en hurlant : « Je vais te refroidir ! Je vais te refroidir ! »
    Un sergent en uniforme se tenait à côté d’eux, mais ne faisait pas mine d’intervenir ; il se contentait de joindre les mains et de crier sur un ton de supplique : «  Prego, signori ! Prego 1  !  » Ce sur quoi l’Autrichien au couteau lui répondit sans le regarder : « Je vais le refroidir ! Je vais le refroidir ! » On aurait dit un duo dans un opéra de Verdi.
    Une petite douzaine de personnes issues de diverses couches de la société, toutes venues au commissariat avec une quelconque requête, s’étaient approchées gaiement pour ne rien perdre du spectacle excitant qui s’offrait à elles de manière inopinée. Un homme au tablier vert déboucha tranquillement une bouteille de vin. Un autre, qui tirait des marrons chauds d’un cornet en papier, en proposa à son voisin d’un air aimable. M. Grenouille, venu déclarer le vol de son passeport, sentit que les spectateurs brûlaient de voir couler du sang. Ils auraient ainsi une histoire à raconter en sortant.
    À vrai dire, quelques gouttes de sang n’étaient pas non plus pour lui déplaire. Cela marquerait son voyage à Venise du sceau de l’aventure. Par conséquent, il se réjouit de constater que la dispute prenait de l’ampleur, comme si les deux coqs de basse-cour connaissaient les attentes de leur public. L’Italien, sournois, le dos plaqué au mur, traçaient des cercles avec ses mains. Il espérait de toute évidence attraper le poignet de l’Autrichien fou de rage avant que la lame ne fonde sur lui, ce qu’elle fit en effet. Par chance, elle manqua sa poitrine et le blessa juste à la main droite.
    Il poussa cependant un cri strident et retira sa main rougie comme s’il venait de se brûler à une flamme. Et voilà ! Il était enfin là, ce sang que les spectateurs avaient tant espéré. Certes, il y en avait à peine quelques gouttes, car la lame avait juste effleuré la main, mais quand même. Un murmure d’approbation se fit entendre.
    L’Italien, livide, avait la bouche grande ouverte. M. Grenouille, qui s’était approché avec intérêt, distingua la sueur qui ruisselait sur son front.
    Le sergent n’entreprenait toujours rien.
    Soudain, l’Autrichien attrapa son adversaire par les épaules et le tira de toutes ses forces, de sorte que celui-ci pivota sur lui-même. Puis il lui passa le bras gauche sous la gorge. Dans sa main droite, il tenait toujours le couteau. On aurait dit qu’il s’apprêtait à le lui planter dans la poitrine.
    L’Italien avait fermé les yeux ; il haletait, le souffle court, tout en remuant les lèvres. Bien qu’il ne prononçât aucun mot, M. Grenouille savait ce qu’il murmurait : «  Ora pro nobis peccatoribus, nunc et in hora mortis nostrae 2 . » Le silence se fit sur-le-champ. Un saisissement religieux se répandit parmi les spectateurs. Du coin de l’œil, M. Grenouille remarqua que l’homme aux marrons chauds se signait. L’homme à la bouteille de vin ôta son chapeau.
    À cet instant, le sergent tira un coup de feu en l’air. La balle fora un trou gros comme le poing dans le plafond et fit trembler les lampes à pétrole qui y étaient suspendues. Du plâtre aussi léger que de la neige s’échappa de
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