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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras
Autoren: Max Gallo
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devait creuser son sillon.
    Les corps s’accrochaient à la coque. Il y en avait de vivants qui criaient, cherchaient à se hisser à bord. Les marins et les soldats se précipitaient, secouraient les chrétiens, tranchaient les mains des infidèles à grands coups de hache, ou leur brisaient la tête, ou bien simplement les repoussaient avec la hampe d’une lance.
    J’ai tant vomi, Seigneur, au cours ces jours-là, qu’à notre arrivée dans le port de Messine il m’a semblé que je n’étais plus qu’une outre vide, un corps douloureux, une âme désespérée qui s’accrochait à Vous comme font les naufragés à une pièce de bois devenue pour eux espoir de salut.

45.
    J’ai titubé lorsque j’ai franchi la passerelle et fait mes premiers pas sur les quais de Messine.
    J’étais vivant.
    Merci, Seigneur !
    Je pouvais serrer contre moi Michele Spriano. Il a murmuré qu’il avait prié pour notre victoire et mon salut. Puis il s’est écarté d’un pas tout en me tenant aux épaules. Il m’a dévisagé, effleurant du bout des doigts la plaie qui me partageait le front. Il a dit :
    — Tu as la figure d’un homme qui a traversé l’enfer.
    Puis il a chuchoté, en se penchant vers moi :
    — Mais l’enfer est ici aussi. Il faut que je te mette en garde.
    Je n’ai pas voulu l’entendre.
    Je voulais écouter les acclamations de la foule qui avait envahi les quais, qui se déversait depuis les ruelles aboutissant au port. Les cloches sonnaient à toute volée, célébrant notre victoire et notre retour. Le canon du fort tonnait. Les chants s’élevaient ici et là, remerciant Dieu, louant don Juan le Grand, fils de l’empereur, qui méritait, lui, le bâtard, une couronne de roi.
    J’ai essayé de ne pas écouter Spriano qui marchait près de moi. Nous suivions don Juan que la foule accompagnait à l’Église de Jésus.
    — Je sais, a repris Michele, que le Génois Giovanni Andréa Doria, qui commandait l’aile droite de la flotte de la Sainte Ligue, a fait une manœuvre étrange avec ses galères, et qu’en face de lui le capitan-pacha d’Alger, Aga Mansour, n’a pas cherché à l’attaquer. Ils se sont esquivés : Aga Mansour laissant Ali Pacha affronter seul les galères vénitiennes et espagnoles, et l’autre, Doria, ne cherchant pas à aider don Juan et même, au contraire, agissant de telle sorte qu’il le mettait en péril…
    J’ai eu envie de crier afin qu’il se taise, mais il a continué, expliquant qu’à Messine, à Naples, à Venise chacun pensait que le Génois avait exécuté des ordres donnés par Philippe II. Le roi d’Espagne souhaitait ménager le capitan-pacha Aga Mansour, voire parvenir à un accord avec lui de telle manière qu’il se détache un jour de l’Empire ottoman. Philippe II craignait aussi la gloire qu’une telle victoire vaudrait à don Juan.
    Devais-je écouter cela, apprendre cela alors que j’avais encore dans la tête les cris des hommes qui brûlaient, qui se noyaient, qu’on égorgeait, alors que vibrait encore en moi le souvenir de cette force qui m’avait poussé en avant à la vue des janissaires tranchant le cou du christ aux yeux clos ?
    Ainsi, pendant que nous revêtions l’armure et brandissions le glaive, affrontions les sabres courbes et les arquebuses des infidèles, vivions dans l’exaltation de cette guerre pour la Foi en Christ, d’autres, le Roi Catholique, et l’un des chefs de notre flotte, manœuvraient, soucieux de leurs petits intérêts plutôt que de la victoire de la Sainte Ligue !
    Pouvais-je croire à ces propos de Spriano ?
    Pouvais-je admettre que le Roi Catholique d’Espagne ne valait pas mieux que le roi Très Chrétien de France ?
    J’ai suivi des yeux don Juan qui entrait dans l’église de Jésus.
    Lui ne s’était pas dérobé. Il avait exposé son corps aux armes des infidèles.
    Ce bâtard s’était rendu légitime.
    — Philippe II et tous les souverains sont rois et princes de l’enfer, a murmuré Michele Spriano.
    Je me suis écarté.
    Deux femmes s’étaient suspendues à mes bras, se serrant contre moi, riant, la tête renversée en arrière, leurs lèvres rouges offertes. Elles m’entraînaient et je m’abandonnais, m’enfonçant avec elles dans la foule.
    Je voulais m’éloigner de Spriano, retrouver l’ivresse.
    Nous sommes entrés sous un porche.
    Je devais être un riche seigneur, disaient-elles. J’avais sûrement puisé dans les coffres remplis d’or et de
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