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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras
Autoren: Max Gallo
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musulmans, marchands de quelque religion qu’ils fussent, il avait compris qu’un jour on déciderait de sa mort, car c’était le seul moyen de lui faire garder le silence.
    Il avait donc choisi de se perdre dans la foule des rameurs de la chiourme, réussissant à payer un Turc, qui en était resté tout étonné, pour être embarqué, abandonnant son sort privilégié de captif de rançon pour la dure loi de la chiourme.
    Il avait été sur l’une des galères de la flotte de Lala Mustapha qui avait assiégé Chypre. Il savait que les deux chefs vénitiens, Astor Baglione et Marcantonio Bragadini, avaient été, l’un dépecé, l’autre écorché vif, sa peau remplie de paille, arborée comme un trophée au mât de la galère de Lala Mustapha, puis accrochée à la poterne de la prison des esclaves à Constantinople.
    Il avait vu brûler villes et villages de l’île. Il avait entendu les cris de terreur des jeunes filles violées, embarquées de force.
    Dans le port de Famagouste, la mer était devenue rouge. Les musulmans avaient été à ce point repus et ivres de cruauté qu’ils avaient perdu toute raison. Trois navires, sur lesquels ils avaient entassé des centaines de jeunes filles vouées à l’esclavage, avaient été incendiés, au mouillage, parce que des marins avaient laissé s’embraser les voiles et avaient tardé à lutter contre l’incendie.
    — Ces cris, les cris des femmes que les flammes dévoraient…, avait répété Michele Spriano, les paumes plaquées sur les oreilles.
    Et, brusquement, avait-il repris, alors que dans tout le port et la rade les Turcs s’affolaient, tentant d’éteindre l’incendie, des galères vénitiennes avaient attaqué les navires turcs, les prenant à l’abordage, coulant plusieurs d’entre eux. Avec quelques dizaines d’autres rameurs, Michele Spriano s’était libéré de ses chaînes et avait pu sauter à bord d’un navire chrétien.
    — Et je suis ici, et je te retrouve…, avait-il murmuré.
    Puis il avait secoué la tête.
    — Mais je ne serai pas de cette bataille.
    Il s’était voûté comme si tout son corps avait été écrasé de fatigue et de désespoir.
    J’avais retiré de mon pourpoint sa Divine et lui avais tendu le livre.
    Il avait d’abord refusé, mais j’avais montré la mer, les canons des galéasses, ces colonnes de soldats, d’arquebusiers et de piqueurs qui embarquaient, derrière leurs bannières marquées de la croix blanche, à bord des navires amarrés.
    On disait que la flotte musulmane d’Ali Pacha s’était rassemblée dans le golfe de Patras, à Lépante, non loin du promontoire d’Actium, là même où, en 31 avant Jésus-Christ, l’empereur Octave avait vaincu les galères d’Antoine et Cléopâtre.
    Qui pouvait assurer qu’il reviendrait vivant d’un affrontement qui allait décider du sort du monde ?
    Michele Spriano m’a écouté, puis a pris le livre et m’a embrassé.
    J’ai voulu oublier ce que Spriano m’avait dit. Avec les moines de la procession qui s’avançait sur le quai vers notre galère, j’ai chanté les psaumes et les cantiques. J’ai vu ces deux soldats espagnols et ces deux marins vénitiens qui portaient sur leurs épaules un crucifix qui devait être hissé au sommet de notre grand mât.
    C’est au moment où ils franchissaient difficilement la passerelle que j’ai pour la première fois vu Votre visage, Seigneur, sculpté dans le bois.
    J’ai déjà dit, au début de ce récit de ma vie, ma surprise, ma déception et presque ma colère : vous aviez les yeux clos. Vos traits exprimaient la souffrance. Vous sembliez partager le désespoir de Michele Spriano.
    Or j’avais besoin que Vous me donniez la force de ne pas douter, que, comme faisaient Ruggero Veniero ou don Juan, Vous exaltiez la volonté de vaincre, et donc de tuer, et donc de prendre le risque de soi-même mourir.
    Je me suis agenouillé. Le jeune homme près de moi, qui m’imitait, m’a chuchoté qu’il avait sculpté Votre corps et Votre visage.
    J’ai fait reproche à ce jeune Vénitien, Benvenuto Terraccini, de n’avoir pas su Vous représenter fort et glorieux, combattant, d’avoir préféré exprimer Votre faiblesse et Votre souffrance.
    Sa main, m’a répondu Terraccini, avait été guidée par Vous.
    Et Vico Montanari a murmuré que Votre compassion n’était pas soumission, mais partage de ce que nous allions endurer dans cette lutte où la mort sabrerait nos corps.
    — Dieu nous
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