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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras
Autoren: Max Gallo
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Terraccini est couturé, le sang a séché sur ses plaies.
    Plus loin, parmi les corps, celui d’Enguerrand de Mons que je reconnais à sa croix de chevalier de Malte. Ensanglanté, il est seulement blessé.
    Quant à moi je n’ai que le corps rompu, les bras entaillés par les coups d’épée, le front fendu par la lame d’une hache et, ici et là, des éraflures.
    Je tiens entre mes mains le visage du christ aux yeux clos. Je le caresse comme s’il était l’un de ces combattants dont on craint, à les voir, qu’ils ne soient déjà morts. Je le touche. Je prie, me rassure. Il est vivant en moi.

44.
    Dès la nuit tombée, le vent s’est mis à souffler en tempête et m’a dégrisé.
    J’ai vomi comme après une beuverie.
    Je me suis agrippé à la rambarde du château arrière pour ne pas être emporté par les vagues qui balayaient le pont, poussant les morts parmi les vivants, entraînant et noyant les blessés qui n’avaient plus assez de force pour s’accrocher à un cordage, à l’affût d’un canon, à un reste de mât.
    J’ai serré contre moi la tête de christ aux yeux clos. Je l’ai glissée sous mon pourpoint déchiré, là où j’avais naguère porté La Divine Comédie. Et quand la coque a commencé à craquer, que la mer s’est engouffrée dans les brèches, j’ai pensé, Seigneur, que Vous vouliez nous précipiter en enfer, nous punir pour cette journée de crimes et de sauvageries que nous Vous avions pourtant dédiée, que nous avions proclamée Victoire sainte alors qu’elle avait fait couler tant de sang humain que la mer en était devenue rouge.
    J’ai eu honte comme après une orgie durant laquelle on a oublié qui l’on était, homme, et frère des hommes.
    C’était là Votre enseignement, Seigneur. Et Votre visage tourmenté aux yeux clos, ce morceau de bois vivant que je sentais contre ma peau aurait dû m’avertir, m’annoncer ce que je ressentirais après, quand, échappant à l’ivresse, à la folie meurtrière des combats, je ne serais plus que ce corps épuisé qui s’arrimait pour ne pas être projeté d’un bord à l’autre par le roulis.
    J’ai entendu Ruggero Veniero hurler des ordres.
    Mais nous n’avions plus ni mât ni voile. Et nos rameurs chrétiens avaient été libérés de la chiourme afin de pouvoir participer au combat.
    Nous étions un navire à la dérive que les vagues projetaient contre les débris des galères coulées, et c’étaient de grands chocs tandis que s’abattaient sur le pont des cadavres turcs ou chrétiens que la mer y déposait.
    Parfois les lueurs d’un incendie avivé par le vent qui continuait de dévorer une galère éclairaient le pont. Des cordages alourdis par les poulies, des crochets se balançaient, pareils à des fouets cherchant au hasard l’échine de leurs victimes, venant heurter la rambarde à un pas du lieu où je me tenais. La poulie fracassait le bois et m’eût volontiers écrasé la tête.
    Des soldats et des marins se sont rassemblés près de moi, écoutant Veniero qui leur ordonnait de se saisir des forçats libérés, de les mettre à nouveau aux fers et de les attacher à leur banc de chiourme. Il n’avait, lui, fait aucune promesse. Il n’était pas tenu par celles de don Juan ou d’autres. Lui voulait rentrer au port avec la Marchesa et il lui fallait des rameurs, chrétiens ou infidèles, bagnards et criminels.
    — Prenez-les, et qu’ils rament, si vous voulez rester en vie ! a-t-il hurlé.
    Entre deux vagues, j’ai vu marins et soldats parcourir le pont, se jeter sur ces hommes qui n’avaient été libres que le temps de tuer et de risquer la mort. Ils se débattaient. Ils Vous invoquaient, Seigneur. Ils criaient qu’on avait juré par-devant Vous que leurs condamnations seraient effacées. Certains résistaient pied à pied. Mais on les poussait dans la chiourme où déjà avaient été enchaînés des prisonniers infidèles, et les fouets commençaient à cingler les dos et les nuques.
    Veniero tenta de mettre la galère vent arrière et de survivre jusqu’au matin.
    La tempête s’est calmée avec l’aube. La mer n’était plus enragée, mais seulement violente, avec parfois des accès de colère quand de grosses vagues surgies d’on ne savait où passaient par-dessus les châteaux ou nous couchaient sur le flanc.
    C’était une mer de sang couverte de débris et de corps si nombreux, parfois, qu’ils formaient une épaisse couche dans laquelle la proue de la Marchesa
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