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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras
Autoren: Max Gallo
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poursuivi, comme s’il voulait partager avec moi le poids qui l’écrasait. Veniero, a-t-il expliqué, avait reçu des ordres précis du Conseil des dix qui gouvernait la sérénissime République. Il devait, parmi ces infidèles, dresser la liste de ceux que le Conseil appelait des « hommes de commandement ».
    Montanari a regardé autour de lui et, après s’être assuré que personne ne pouvait l’entendre, il a ajouté :
    — Le Conseil a écrit à Veniero : « En vous assurant qu’on n’a pas pris une personne pour une autre, vous les ferez mourir secrètement de la façon qui vous paraîtra la plus prudente. »
    Montanari savait que le pape avait été horrifié à l’idée de ces assassinats d’hommes qu’aucun tribunal n’avait condamnés.
    — Venise a une longue mémoire, a conclu Montanari. Nous nous souvenons de la cruauté des infidèles à Famagouste. Nous n’oublions rien !
    Je n’ai pu lui répondre.
    J’ai pensé à cet homme enfermé, à ceux qui l’avaient précédé dans ce réduit, à tous les autres qui lui succéderaient.
    J’ai imaginé ce que devait être la « façon prudente » de faire mourir secrètement. Étrangler ? Égorger ? Empoisonner ? Puis faire disparaître les corps en les jetant au large de Messine ?
    Certains jours, on découvrait, dans les criques et sur les plages proches de la ville, des corps nus dont la tête avait été tranchée.
    Seigneur, est-ce ainsi que l’on combattait pour Vous ?
    Je me suis souvenu des propos de Michele Spriano.
    Pour les puissants de ce monde, avait-il dit, Dieu, l’Église n’étaient que des masques dont ils se servaient pour dissimuler leurs ambitions, les rivalités qui les opposaient les uns aux autres.
    Mais ils reniaient leur foi s’ils estimaient qu’ils avaient intérêt à s’allier avec des hérétiques ou des infidèles.
    J’avais alors refusé de l’entendre.
    Il me fallait croire en la pureté et en la sincérité des souverains catholiques pour que je pusse tuer en leur nom et au nom de la foi en Jésus-Christ.
    Je l’avais fait.
    J’avais vu la mer, d’une rive à l’autre du golfe de Patras, rougie par le sang versé. Je l’avais vue couverte de corps.
    Mais Vico Montanari, qui avait combattu auprès de moi, m’assurait maintenant que le Conseil des dix cherchait à faire la paix avec le sultan Selim II. Et c’était mon propre frère, Guillaume de Thorenc, un huguenot, ambassadeur de France à Constantinople, qui servait d’intermédiaire entre la Sérénissime et l’Empire ottoman.
    — Ils parviendront finalement à s’entendre, a ajouté Montanari. Ils peuvent bien se blesser, mais non se tuer. Ils en viendront à conclure un traité de paix. Voilà ce que c’est que vivre dans notre monde.
    J’ai regardé vers la proue. J’avais moi aussi tapé du talon sur ce pont au-dessous duquel des infidèles étaient enchaînés, et, au bout de la coursive, il y avait ce réduit où un homme attendait qu’on l’égorge, qu’on l’étrangle ou qu’on l’empoisonne, puis qu’on le noie.
    Était-ce aussi cela la paix ? Ces assassinats secrets ?
    — C’est bien la paix des hommes, a dit Montanari en m’entraînant sur le quai.
    Cette nuit-là, nous avons bu, nous nous sommes vautrés dans la débauche.
    Parce que, pour vivre en ce monde, Seigneur, les hommes faibles doivent parfois s’aveugler.
    Mais on m’obligeait à voir.
    Diego de Sarmiento était arrivé à Messine. J’étais sur le quai. J’avais entendu la foule acclamer cette galère espagnole à la coque décorée de bois doré, aux fières sculptures de poupe et de proue.
    J’avais reconnu Sarmiento debout sur le château arrière. Des soldats l’entouraient, chacun d’eux portant le drapeau d’un des royaumes d’Espagne ou d’Amérique qui obéissaient à Philippe II, le monarque du monde, le Roi Très Catholique.
    Je n’ai pas voulu rencontrer Sarmiento, mais les espions espagnols grouillaient à Messine. Et des soldats sont venus me quérir dans la chambre de Teresa et d’Evangelina où je m’étais à nouveau réfugié.
    Sarmiento m’a ouvert les bras et, comme je n’ai pas fait mine d’avancer vers lui, il m’a, tout en éclatant de rire, empoigné les épaules, me serrant à m’étouffer.
    — Je te préfère entre les bras de deux putains qu’entre ceux de don Juan ! a-t-il dit en m’invitant à m’asseoir en face de lui dans la cabine où il vivait, à la poupe de la galère.
    Je
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