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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras
Autoren: Max Gallo
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bijoux des infidèles.
    Elles riaient de plus belle. Elles me demandaient seulement deux pièces d’or pour devenir mes esclaves.
    J’avais ces deux pièces.
    J’ai vécu entre ces deux femmes. La chambre où elles m’avaient accueilli donnait sur l’un des quais du port. Près de la fenêtre était accroché un crucifix et j’avais placé sur une petite table basse – le seul meuble, avec une grande paillasse posée à même le sol – la tête du christ aux yeux clos.
    Teresa et Evangelina se signaient chaque fois qu’elles passaient devant elle, et plusieurs fois par jour elles s’agenouillaient et priaient. Le murmure de leurs voix me rassurait.
    Elles vivaient en pécheresses, et cependant il me semblait, Seigneur, qu’elles ne méritaient pas l’enfer. Moi, qu’elles appelaient « Notre Maître », j’y étais condamné, mais j’avais besoin de sentir renaître mon corps, d’éprouver ses forces par le désir et dans le plaisir.
    C’était une sorte de retraite dans le péché mais où ma fatigue s’effaçait peu à peu en même temps que mes plaies cicatrisaient.
    Teresa et Evangelina les couvraient d’onguents parfumés. Mais, je le confesse, Seigneur, c’étaient leurs corps, leur vigueur joyeuse, leur insouciance, l’aigu de leurs voix quand elles chantaient qui me guérissaient.
    Vous étiez le Créateur, Seigneur, de ces sources de vie, et il m’est arrivé de penser que Teresa et Evangelina, et même moi, n’étions pas en état de péché, mais qu’au contraire nous célébrions Votre Création.
    Mais je n’ignorais pas non plus que j’aurais pu être justement condamné pour cette proposition hérétique, et elles, si jeunes, brûlées ou lapidées comme femmes corrompues.
    Même si, Seigneur, elles s’agenouillaient et priaient devant Votre visage aux yeux clos.
    J’ai ainsi laissé filer les jours.
    Je passais de longs moments à la fenêtre dans la caressante et douce chaleur du soleil d’hiver.
    J’ai vu errer sur les quais du port les esclaves chrétiens que nous avions arrachés aux galères ottomanes.
    Ils étaient faméliques, jetaient autour d’eux des regards encore apeurés, comme s’il avaient craint que de l’une des galères musulmanes amarrées dans le port, capturées au cours de la bataille, ne surgissent tout à coup des janissaires, des gardes-chiourme, et qu’on ne se saisisse d’eux pour les jeter à nouveau en enfer.
    À les suivre des yeux, je me souvenais de ce que j’avais subi. J’étais fier d’avoir participé à ces combats qui les avaient rendus libres. Et j’étais honteux de m’être ainsi retiré alors que la guerre contre les infidèles n’avait pas cessé.
    Pouvais-je laisser ainsi ma vie se dissoudre dans la satisfaction de mes désirs ?
    Dieu ne m’avait pas appelé au monde pour n’être qu’un homme de jouissance.
    J’ai quitté Teresa et Evangelina et j’ai retrouvé, sur la Marchesa , Ruggero Veniero et Vico Montanari. Enguerrand de Mons était parti pour la France et Benvenuto Terraccini avait regagné Venise.
    Des charpentiers s’affairaient à dresser un mât, à colmater les brèches dans la coque. On tendait des cordages, on embarquait des prisonniers qu’on attachait à leur banc dans la chiourme. Quand ils arrivaient en rangs, gardés par des soldats, la foule sur les quais les maudissait sans trop oser s’approcher d’eux, tant leurs visages exprimaient la cruauté et la haine. Ils avaient le crâne rasé à l’exception d’une longue mèche qui leur pendait dans le dos.
    Malgré le vent froid, la plupart étaient torse nu et portaient des pantalons bouffants, mais quelques-uns avaient gardé leurs uniformes jaune et rouge.
    Veniero les dévisageait et parfois, d’un mouvement de la tête, ordonnait de faire sortir l’un d’eux des rangs. On entraînait l’infidèle vers la proue. On l’enfermait dans un réduit. Je m’interrogeais sur le sort de ces hommes-là. Mais qui se souciait de la vie d’un infidèle ? On assurait que près de trente mille d’entre eux avaient péri dans la bataille, que huit mille avaient été faits prisonniers, les chrétiens ayant quant à eux perdu au moins six mille hommes.
    Un jour, Vico Montanari m’a entraîné vers la proue, martelant le pont du talon, au-dessus du réduit où un prisonnier venait d’être enfermé.
    — Celui-là, a-t-il murmuré en secouant la tête, il ne ramera plus.
    D’abord je n’ai pas voulu comprendre. Mais Montanari a
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