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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras
Autoren: Max Gallo
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crois aux rencontres que le hasard ou la providence organisent, avait-elle ajouté. Je parlais de mes trouvailles à Armelle qui a sursauté quand j’ai cité le nom de Thorenc. Elle m’a longuement raconté vos romans que je ne connaissais pas. J’ai lu, depuis, tout ce que vous avez écrit sur les Thorenc. Comment aurais-je pu ne pas vous téléphoner ? Vous devez à Bernard de Thorenc de l’attention : il est venu vers moi pour que je le guide vers vous. Vous ne pouvez l’ignorer, refuser. Je vous attends demain au 7, rue de l’Arbre-Sec.
    Demain, c’était le vendredi 22 août 2003.
    Le vendredi 22 août 1572, il y avait quatre cent trente et un ans jour pour jour, à la fin d’une matinée étouffante – et cela faisait des semaines, comme en cet été 2003, que Paris était écrasé par une chaleur torride –, l’amiral de Coligny, le chef protestant, venait de quitter le palais du Louvre.
    Il avait longuement envisagé avec le roi Charles IX les moyens d’apaiser la haine meurtrière qui opposait les catholiques aux protestants, ceux qui s’appelaient avec mépris papistes, huguenots, hérétiques, « mal-sentants de la foi », débauchés ou dévoyés.
    J’avais été frappé, ce vendredi 22 août, par la coïncidence des dates et par la découverte de cet ascendant, Bernard de Thorenc, ancêtre de ces Thorenc – Martial, Louis, Villeneuve, François ou Bertrand Renaud – dont j’avais en effet raconté les vies.
    J’avais été flatté aussi par l’insistance de Maria de Ségovie à me solliciter, par l’importance qu’elle paraissait accorder à ma visite.
    Mais j’avais été surtout sensible à cette adresse, à cette rue de l’Arbre-Sec, aux événements qu’elle évoquait.
    Dans cette rue-là, entre Louvre et Seine, autour de l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois, la France s’était jadis déchirée.
    Après avoir raccroché sans promettre à Maria de Ségovie que je lui rendrais visite, j’ai feuilleté Les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné – encore lui !
    J’ai retrouvé ce passage qui n’a cessé de me fasciner et de m’accabler par la force endeuillée avec laquelle il décrit la lutte fratricide entre chrétiens, entre Français :
    Je veux peindre la France une mère affligée
    Qui est entre les bras de deux enfants chargée.
    Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts
    Des tétons nourriciers, puis, à force de coups
    D’ongles, de poings, de pieds, il brise le partage
    Dont nature donnait à son besson l’usage…
    Elle dit : « Vous avez, félons, ensanglanté
    Le sein qui vous nourrit et qui vous a portés.
    Or vivez de venin, sanglante géniture,
    Je n’ai plus que du sang pour votre nourriture.
    Or cette saison de meurtres, de corps égorgés, éventrés, écartelés, dépecés, de femmes violées, d’enfants jetés aux chiens, avait commencé le vendredi 22 août 1572.
    Coligny ce jour-là se dirigeait vers la rue de l’Arbre-Sec. À l’angle de cette rue et de la rue de Bétisy se trouvait l’hôtel de Ponthieu, sa demeure.
    Il était entouré de gentilshommes protestants.
    L’un d’eux lui remet tout en marchant une lettre. Coligny se penche pour la lire et c’est à cet instant qu’éclatent des détonations. Le mouvement en avant de l’amiral lui a sauvé la vie. Le tueur avait visé la tête, mais Coligny n’est blessé qu’au bras gauche et il a l’index arraché.
    On l’entraîne dans la rue de l’Arbre-Sec pour le mettre à l’abri.
    On se précipite vers la maison d’où sont partis les coups de feu. On découvre une arquebuse encore brûlante au pied d’une fenêtre dont les volets sont entrouverts. On entend le galop d’un cheval. Le meurtrier – un certain Maurevert, spadassin au service du duc de Guise – vient de s’enfuir par l’arrière de la maison qui donne sur le cloître de l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois.
    À quelques pas de la boutique d’antiquités de Maria de Ségovie, au n° 7 de la rue de l’Arbre-Sec.
    Je me suis immobilisé devant la tête de christ d’une pâleur verdâtre.
    Posée sur le tissu de soie rouge, elle paraissait baigner dans son sang. Mais le plus insoutenable, le plus émouvant, c’était le désespoir manifesté par ces paupières baissées, telles celles d’un cadavre dont, d’un geste lent, on a fermé les yeux.
    À force de regarder ce visage, de scruter son expression, je compris que l’artiste n’avait pas voulu représenter la mort du Christ,
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