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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras
Autoren: Max Gallo
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abcès qui, gros comme des œufs, gonflaient à la pliure des genoux, à l’aine, sur la poitrine et le cou de Philippe II. J’ai fermé les yeux quand le chirurgien les a fendus de la pointe de son scalpel.
    J’ai vu le corps du souverain s’enfler comme une outre tandis que ses mains et ses pieds, son visage se desséchaient, la peau pareille à un parchemin usé qu’un faux mouvement suffit à déchirer.
    Mais le fils de Charles Quint, qui avait régné sur Bruxelles, Milan et Naples, sur Lisbonne et le Nouveau Monde, ne bougeait plus. Ses chairs couvertes de poux grouillaient de vers. Pour tenter de vidanger les pourritures qui s’accumulaient dans son ventre, il avait fallu crever le lit afin que les déjections s’écoulent, puisque son corps, réduit à l’état de plaie purulente, ne pouvait plus ni se mouvoir ni être soulevé.
    Il avait fait placer près de son lit un cercueil tapissé de satin blanc et exigé qu’on en préparât un autre, en plomb, dans lequel on coucherait son cadavre qu’il ne faudrait ni autopsier ni embaumer.
    On veillerait seulement à ce que ses bras soient repliés sur sa poitrine et à ce qu’il tînt dans sa main le simple crucifix de bois qu’avait serré entre ses doigts morts l’empereur Charles.
    Aux premiers jours de sa maladie, Philippe avait voulu qu’on ouvrît le cercueil de l’empereur pour qu’on s’assurât que c’était bien ainsi, bras croisés sur la poitrine, qu’avait été inhumé son père.
    J’écoutais.
    Je me souvenais du roi des Espagnes, droit dans son armure aux rivets d’or. Colliers et bijoux, foulards et dentelles rehaussaient le noir métal.
    Je m’étais incliné devant le souverain dont je partageais alors la jeunesse. D’une extrémité du monde à l’autre il combattait pour Dieu et l’Église.
    J’avais voulu le servir.
    Pour lui, j’avais lutté contre les Maures, les Turcs et les hérétiques.
    J’avais osé parfois croiser son regard, j’en avais saisi le bref éclat quand il dévisageait une femme.
    Et lui qui décidait d’un mot du sort de peuples entiers était devenu cette chair gangrenée livrée à la vermine.
    Quels péchés avait-il donc commis pour que Dieu le soumît à une telle torture ?
    J’ai interrompu Montanari.
    Toute ma vie, lui ai-je rapporté, j’avais défendu l’honneur de Philippe II. J’avais combattu ses ennemis, même quand ils appartenaient à ma propre famille. Je n’avais jamais cru à leurs accusations. Je leur avais fait rendre gorge chaque fois que je les entendais prétendre que Philippe II avait été un frère incestueux, qu’il avait ordonné l’assassinat de son fils, don Carlos, et fait empoisonner son frère don Juan, notre grand général de la Mer, qui avait commandé la flotte chrétienne à Lépante et dont j’avais pu admirer le courage, l’enthousiasme et l’élégante beauté.
    Avais-je eu tort de croire aveuglément et si longtemps en la vertu du roi ?
    Cette si longue et cruelle agonie n’était-elle pas le châtiment infligé par Dieu à un coupable ?
    Montanari m’a écouté puis s’est levé. Il a tisonné le feu, faisant jaillir une myriade d’étincelles, redonnant vie aux braises que des flammèches bleutées, tout à coup, embrasèrent.
    — Dieu n’ignore rien, a-t-il murmuré. Mais qui peut prétendre connaître Ses intentions ?
    Il a rapproché son fauteuil du foyer puis s’y est à nouveau assis.
    — Mais peut-être Dieu s’est-Il désintéressé de nous ? a-t-il poursuivi. Peut-être nous a-t-Il abandonnés aux forces cachées de la nature ? Et sommes-nous pour Lui, depuis que nous avons péché, semblables à des vers ou à des rats ? Que nous soyons galériens, ambassadeurs ou rois, notre vie est aussi vaine que la leur.
    Il a entrecroisé ses doigts comme pour une prière.
    — Mais je parle comme un hérétique, a-t-il ajouté. On brise les os, on étrangle, on arrache la langue, on brûle pour moins que ça ! Mais si Dieu nous ignore, quelle folie que de vouloir partager les hommes en bien ou mal-sentants de la foi !
    Il a placé ses mains au-dessus des flammes.
    — Sur le pont de la Marchesa, comment aurais-je imaginé qu’un jour j’en viendrais à penser cela ? a-t-il soupiré. Mais est-ce que je le pense ? Je suis ambassadeur de la sérénissime république de Venise. J’exécute les instructions que me donnent le doge et le Grand Conseil. Il faut que j’obtienne le droit pour nos galères de naviguer
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