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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras
Autoren: Max Gallo
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aveux.
    Elle surprend mon regard, se lève, se dirige vers la vitrine tout en continuant de parler.
    Elle a, dit-elle, trouvé le manuscrit d’Anne de Buisson dans le legs Bernard de Thorenc.
    — Peut-être l’a-t-il sauvée ? peut-être se sont-ils aimés ?
    Elle me tourne le dos, se penche vers la vitrine.
    — Il faut écrire leur histoire, dit-elle.
    Elle se redresse et s’avance vers moi, portant dans ses mains cette tête de christ aux yeux clos.
    — Ces temps-là reviennent, murmure-t-elle. On veut à nouveau décapiter le Christ !

PREMIÈRE PARTIE
    Lépante est le plus retentissant des événements militaires du XVI e siècle en Méditerranée […]. L’enchantement de la puissance turque est brisé.
    Fernand Braudel.

1.
    Moi, Bernard de Thorenc, je commence à écrire, en implorant la miséricorde de Dieu, le récit de ma vie.
    J’ai pris cette décision hier après que Vico Montanari, mon vieux compagnon, m’eut annoncé que Philippe II, roi des Espagnes, avait été rappelé à Dieu le 13 septembre de l’année 1598.
    Nous étions le 7 janvier, jour anniversaire de ma naissance, il y avait soixante et douze années.
    Car j’ai vu le jour en 1527, la même année que Philippe II. Mon père avait paru fier et heureux de cette coïncidence qui me plaçait, à l’en croire, sous les mêmes auspices glorieux que le fils de l’empereur Charles Quint.
    Mais alors sa mort scellait aussi ma vie.
    Et que la nouvelle de ce décès m’ait été donnée dans la même salle où j’étais né m’a paru le signe que Dieu, dans Sa bonté, m’avertissait. Il n’avait pas voulu me saisir par surprise, me laissant ainsi le temps de me préparer à comparaître devant Lui.
    J’ai voulu connaître, comme on se regarde dans un miroir, les derniers moments du roi Philippe II, dont Montanari avait été le témoin. Ambassadeur de la république de Venise auprès du souverain, j’ai pensé qu’il n’ignorait rien des détails de l’agonie du souverain.
    Mais il a paru ne pas entendre mes questions alors même qu’aux coups d’œil qu’il me lançait et à la manière dont il détournait le regard j’étais sûr qu’il avait perçu mon impatience et en avait deviné les raisons. La mort de Philippe II annonçait la mienne, ses souffrances préfiguraient celles que j’allais devoir affronter.
    Pourtant, au lieu de répondre à mon attente, Montanari s’est attardé à décrire les obstacles qu’il avait rencontrés tout au long de son voyage, lequel avait duré plus de trois mois.
    Penché en avant, les pieds contre la cheminée, mains tendues au-dessus des flammes, il m’a expliqué qu’il avait quitté le palais de l’Escurial dès le lundi 14 septembre. Il s’était rendu à Barcelone afin d’embarquer sur un navire qui l’eût conduit au plus vite jusqu’à Venise. Mais aucun capitaine n’était disposé à prendre la mer ne fût-ce que pour voguer jusqu’à Gênes. Tous craignaient les tempêtes d’un automne précoce et les pirates barbaresques, toujours à l’affût, quelle que fût la saison.
    Montanari avait donc été contraint d’emprunter la voie terrestre.
    La neige tombée tôt avait rendu le franchissement des Pyrénées difficile. Des pluies torrentielles l’avaient contraint à séjourner longuement à Montpellier, puis à Nîmes. Une fièvre maligne l’avait terrassé en Avignon où il avait dû demeurer plusieurs semaines isolé, accusé de répandre les miasmes de la peste atlantique dont on savait qu’elle ravageait Tolède et Séville, Valladolid et Madrid, et à laquelle on imputait la mort du roi Philippe II.
    Montanari avait dû fuir la ville pour échapper à une foule menaçante qui voulait incendier l’auberge où il était descendu.
    Affaibli, il avait cheminé lentement. Le temps, tout au long de la route d’Avignon à Apt et Draguignan, était aux bourrasques et aux nuits glaciales.
    Parvenu à Grasse, il s’est souvenu que ma demeure était située à quelques heures de marche, le long de la vallée de la Siagne, et, au début de l’après-midi de ce 7 janvier 1599, il a frappé à la poterne du Castellaras de la Tour.
    Le vent soufflait en rafales, ployant les arbres nus, repoussant la neige contre les murailles, comblant les fossés, hurlant comme une horde de loups affamés.
    Je n’ai d’abord reconnu que la voix grave et le regard voilé de Vico Montanari.
    J’ai aussitôt serré contre moi son corps de vieil homme. Il grelottait et
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