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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire
Autoren: Jules Michelet
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villes n'étaient rien, à moins
     qu'elles ne fussent cités épiscopales. Les abbayes étaient des centres
     d'attraction, autour d'elles s'étendaient des villes ou des bourgades. Les plus
     riches étaient Saint-Médard, de Soissons ; Saint-Denis, fondation de
     Dagobert, berceau de la monarchie et tombe de nos rois.
    *
    Charlemagne, fils, petit-fils, neveu des évêques, et des saints,
     étendit encore les privilèges de l'Église ; ses descendants y ajoutèrent à
     leur tour, en sorte que sous Charles le Chauve, l'archevêque de Reims, Hincmar,
     se trouvait être le vrai roi, le vrai pape de France. Charles n'avait pu
     devenir roi qu'appuyé des évêques. Ils nourrissaient, soutenaient les
     souverains qu'ils avaient faits, ils leur permettaient de lever des soldats
     parmi leurs hommes, en un mot, ils gouvernaient les choses de la guerre comme
     celles de la paix. Evêques, magistrats, grands propriétaires, ils commandaient
     à ce triple titre.

    Il pourrait sembler à un observateur superficiel que sous ce double
     règne laïque et ecclésiastique, il y a déjà une France. Non. L'unité qui semble
     avoir été obtenue est toute extérieure. Elle cache un désordre profond, la
     discorde obstinée d'éléments hétérogènes qui se trouvent réunis par une force
     tyrannique et qui ne tendent qu'à la dispersion. Diversité de races, de langues
     et d'esprit, ignorance mutuelle, antipathies instinctives. Aussi, avant même
     que le vieil Empereur ne meure, l'ouvrage de la conquête se défait. Déjà, au
     dehors, l'Empire a faibli, il a heurté en vain contre le Bénévent, contre
     Venise. En Germanie, il a dû reculer de l'Oder à l'Elbe et partager avec les
     Slaves. Cette ceinture de barbares que Charlemagne croyait simple et qu'il
     rompit d'abord, dans un élan de force et de jeunesse, elle se doubla, se
     tripla, et quand les bras lui tombèrent de lassitude, il vit roder autour de
     son empire d'autres ennemis, les flottes danoises, grecques, sarrasines comme
     le vautour sur le mourant qui promet un cadavre...
    *
    Nous sommes en 941, l'Empereur est mort. Maintenant, par tous les
     fleuves, et par tous les rivages arrivent ces pirates du Nord, les Northmans,
     bien autrement sauvages que les Germains qui les ont précédés. Ils se sont
     faits rois de la mer parce que la terre leur a manqué. Loups furieux,
     ils abordaient seuls, sans famille. Dès que leurs dragons , leurs serpents sillonnaient les fleuves ; dès que le cor d'ivoire
     retentissait sur les rives, personne ne regardait derrière soi 2 . Tous fuyaient à la ville, à
     l'abbaye voisine, chassant vite leurs troupeaux ; ils se blottissaient aux
     autels, sous les reliques des saints, mais les reliques n'arrêtaient pas les
     barbares. Ils semblaient, au contraire, acharnés à violer les sanctuaires les
     plus révérés.
    Que faisaient cependant les souverains de la contrée, les abbés, les
     évêques ? Ils fuyaient, emportant les ossements des saints ; ils
     abandonnaient les peuples sans défense, sans asile 3 .
    Il fallut bien que l'Église impuissante à rallier la France, à l'aider
     à se défendre, résignât, au moins en partie, le pouvoir temporel à des mains
     plus mâles et plus guerrières.
    Charles le Chauve, l'année même de sa mort, fait les seigneurs ses
     légitimes héritiers ; il signe l'hérédité des comtés dont la possession
     était disputée jusque-là. Il confirme le legs royal fait à ces comtes et
     barons, en mariant ses filles aux plus vaillants d'entre eux, à ceux de
     Bretagne et de Flandre. C'est la substitution du pouvoir féodal au pouvoir
     ecclésiastique.
    Ces comtes et ces barons occuperont les défilés des montagnes, les
     passes des fleuves, ils dresseront leurs forts, ils s'y maintiendront à la fois
     contre les barbares et contre le prince qui, de temps en temps, aura la
     tentation de ressaisir le pouvoir qu'il abandonne à regret.
    Les peuples qui sentent la double impuissance de l'Église et de la
     vieille dynastie, se serrent autour de leurs défenseurs naturels, autour des
     seigneurs et comtes. Rien de plus populaire que la féodalité à sa
     naissance.
    Le premier et le plus puissant de ces fondateurs de la féodalité
     laïque, est Boson, le beau-frère même de Charles le Chauve. Il prend le titre
     de roi de Provence ou Bourgogne Cisjurane, tandis que Rodolf Wolf prend la
     Bourgogne Transjurane dont il fait aussi un royaume. Voilà la barrière de la
    
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