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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire
Autoren: Jules Michelet
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on put croire que l'unité du royaume était rompue à
     jamais.
     
    Dans cet abaissement de la royauté, les grands vassaux apparaissent
     plus puissants. La féodalité est encore respectée, aimée de ceux mêmes sur qui
     elle pèse, parce qu'elle est encore profondément naturelle . La famille
     seigneuriale née de la terre, vivait d'une même vie, elle était pour ainsi dire
     le genuis loci . C'était elle, le plus souvent, qui avait fait en quelque
     sorte la terre y bâtissant des murs, un asile contre les pirates du Nord, où
     l'agriculture pouvait se retirer avec ses troupeaux. Les champs avaient été
     défrichés, cultivés aussi loin qu'on pouvait voir la tour. La terre était fille
     de la seigneurie et le seigneur était fils de la terre ; il en savait la
     langue et les usages, il en connaissait les habitants, il était des leurs. Son
     fils, grandissant parmi eux, était l'enfant de la contrée. Le blason d'une
     telle famille devait être non seulement révéré, mais compris du moindre
     paysan.
    Ce champ héraldique était visiblement le champ, la terre, le
     fief ; ces tours étaient celles que le premier ancêtre avait bâties contre
     les Normands ; ces besans, ces têtes de mores qu'on avait ajouté, étaient
     un souvenir de la fameuse croisade (la première), où le seigneur avait mené ses
     hommes et qui faisait à jamais l'entretien du pays.
    Mais cette solidarité entre le seigneur et le paysan ne pouvait rien
     pour la centralisation de la France. C'était un gage de protection réciproque
     mais toute locale. Chaque donjon vivait encore isolé. Celui-ci perche avec
     l'aigle, l'autre se retranche derrière le torrent. Aucun lien ne rapproche
     cette agglomération de puissances féodales. La France reste démembrée, le
     secours doit lui venir d'ailleurs.
    De même qu'au onzième siècle, il fallut que l'Europe se vit en face de
     l'Asie pour se croire une et la devenir ; de même, pour que l'unité
     se refasse en France, trois siècles plus tard, au moins dans les volontés, il
     faudra la guerre avec les Anglais, l'envahissement du territoire. Le danger
     commun forcera tous les Français à s'unir pour le salut du pays. Cette guerre,
     malgré ses calamités, nous rendit un immense service qu'on ne peut méconnaître.
     La France jusque-là était féodale avant d'être française. L'Angleterre, en la
     refoulant durement sur elle-même, la força de rentrer en soi. Elle dut à son
     ennemie de se connaître comme nation. Dès lors, elle se resserra, ramassa en
     elle ses forces pour faire front à l'étranger, le refouler à son tour.
    C'est la France du quatorzième siècle qui se lève. Ses États généraux,
     ceux du Nord et du Midi, les Etats des trois ordres : Clergé, Noblesse et
     Bourgeoisie des villes, les États de France en un mot, convoqués pour la
     première fois, par Philippe le Bel, sont l'ère nationale de la France, son acte
     de naissance politique (1302).
     
    Nous sommes maintenant au milieu du siècle. La chevalerie française,
     disons-le à son honneur, vient se faire tuer sur les champs de bataille de
     Crécy et de Poitiers. Mais ce n'est plus la respectable féodalité que nous
     avons vue immobilisée sur son roc. Les croisades en déracinant la noblesse
     l'ont habituée, peu à peu, à vivre loin de ses châteaux, à séjourner à grands
     frais près du roi. Elle devient chaque jour plus avide. Il faut la payer pour
     combattre, pour défendre ses terres des ravages des Anglais. Sous Philippe de
     Valois, le chevalier se contentait de dix sous par jour. Sous le roi Jean, il
     en exige vingt et le seigneur banneret en veut quarante.
    Ces seigneurs, ruinés dès 1320 par les mauvaises monnaies, pressurés
     eux-mêmes par l'usure, étaient déjà retombés sur le paysan, et celui-ci,
     n'avait pas été assez osé pour se tourner contre eux. Après Crécy et Poitiers,
     ce fut encore le paysan qui paya leur rançon. Après Azincourt, la noblesse tout
     entière prisonnière des Anglais et relâchée sur parole, vint sur ses terres
     ramasser vitement la somme monstrueuse qu'elle avait promise sans marchander
     sur le champ de bataille. Quand le paysan n'avait plus rien à donner, pour lui
     faire dire où il cachait son argent, on lui chauffait les pieds. On n'y
     plaignait ni le fer ni le feu.
    Ruiné par son seigneur, le paysan n'était pas quitte. Ce fut le
     caractère atroce de ces guerres des Anglais. Pendant qu'ils rançonnaient
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