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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango
Autoren: Régine Deforges
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la
lettre.
    — Pauvre enfant, comment peut-elle
conduire de si gros engins, dit Lisa en tendant les photos envoyées par Léa.
    Comme elle avait l’air mélancolique, la
jolie conductrice, assise, jambes pendantes, sur le marchepied du véhicule, entourée
de trois de ses compagnes, souriantes, elles ! Sur une autre, elle se
tenait très droit dans l’uniforme gris-bleu de la Croix-Rouge, le chapeau
réglementaire bien ajusté, les mains gantées, le nœud de cravate impeccable, debout
devant les ambulances bien alignées, passées en revue par le commandant Rozen.
    En rendant les photos, François Tavernier se
fit la réflexion qu’il ne possédait aucun portrait d’elle.
    — Comment l’avez-vous trouvée la
dernière fois que vous l’avez vue ? demanda Albertine.
    — Magnifique, fit-il avec un sourire.
    — Pardon ?
    — Excusez-moi… je voulais dire très
bien, je l’ai trouvée très bien.
    — Pas trop éprouvée par son travail ?
    — Un peu, bien sûr ; mais Léa est
très forte, très courageuse. Ses supérieurs n’ont que des éloges à lui faire ;
quant à ses compagnes, quoiqu’elle soit la plus jolie, toutes l’adorent.
    — Nous en sommes bien heureuses. Je
suis si inquiète pour cette enfant ; elle a la sensibilité de sa mère et
le caractère têtu de son père. Elle est fière et obstinée, forte comme vous le
dites, mais fragile aussi…
    — Je le sais, c’est ce qui la rend, entre
autres, si attachante.
    — … Je crains qu’elle n’ait du mal à
retrouver une vie normale, se marier, avoir des enfants. Ne croyez-vous pas, monsieur
Tavernier ?
    Comme elles étaient charmantes, ces
demoiselles de Montpleynet, tellement naïves et si candides, surtout Lisa sous
ses boucles blanches où le coiffeur avait mis des reflets d’un rose un peu trop
soutenu.
    François éluda la question.
    — Revenons à vos projets. La vente de votre
appartement vous permettra-t-elle de vivre ? Pardonnez-moi cette
indiscrétion…
    — Je vous en prie, monsieur, nous
sommes entre amis et au point où nous en sommes… d’après notre notaire, oui, sans
faire de folies évidemment. Mais cela ne résoud pas le problème de nos nièces.
    — Je peux vous aider à le résoudre.
    — Comment cela ?
    — En avançant l’argent pour les travaux
de Montillac…
    — Mais monsieur !
    — Laissez-moi continuer : argent
que vos nièces me rembourseront quand elles toucheront les indemnités de guerre…
    — Cela ne suffira pas !
    — Vous oubliez le produit de la vigne. Le
vin de Montillac est un bon vin.
    — Mais il n’y a plus personne pour s’occuper
de la propriété.
    — Ne vous inquiétez pas, on trouvera. Le
plus important c’est que Françoise, Laure et Léa le veuillent. Pensez-vous que
ce soit là leur désir ?
    — Françoise, je crois que cela lui est
égal. Ici ou là, que lui importe ; elle est très malheureuse et nous ne
savons quoi faire pour atténuer son chagrin. Laure est encore mineure et nous
pourrons peut-être la convaincre de venir avec nous ; ce serait un moyen
de l’arracher aux gens qu’elle fréquente. Quant à Léa, vous avez vu dans sa
lettre qu’il ne saurait être question pour elle de revenir à Montillac.
    — Ce n’est pas sûr, c’est une fille de
la terre, elle y est très attachée. Ce qu’elle redoute, c’est de trouver sa
maison en ruines ; reconstruite, elle l’aimera à nouveau.
    — Croyez-vous ?
    — Oui, elle aura à cœur de redresser le
domaine en souvenir de son père et de sa mère. Et puis, a-t-elle vraiment le
choix ? Vous devriez accepter ma proposition.
    Lisa poussa un gros soupir, Albertine baissa
la tête. Tous les trois restèrent silencieux un bon moment.
    — Puis-je vous poser à mon tour une
question indiscrète ; demanda Albertine.
    — Je vous en prie.
    — Eh bien voilà… c’est dur à dire, pardonnez-moi…
mais, je dois vous la poser avant d’accepter votre offre généreuse… Quels sont
vos sentiments pour Léa… quelles sont vos intentions ?
    — Vous voulez dire sans doute : avez-vous,
cher monsieur, l’intention de l’épouser ? dit-il avec plus d’ironie qu’il
ne l’eût voulu.
    — Oui, c’est cela même.
    — Pour vous répondre franchement, cela
demande réflexion…
    — Comment ? firent ensemble les
deux sœurs.
    — … Je veux dire par là que je ne suis
pas du tout convaincu que Léa fasse une bonne épouse et encore moins convaincu
qu’elle veuille de
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