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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango
Autoren: Régine Deforges
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en
compagnie de l’infirmier Bünning et du chimiste Göbel, représentant les
laboratoires Schering-Kahlbaum. Totalement insensible, elle avait assisté et
participé à la stérilisation de dizaines de femmes, toutes juives, d’origines
française, hollandaise, belge, grecque, polonaise, russe… Carl Clauberg et Rosa
Schaeffer, couple monstrueux qui prêtait à rire, lui avec son mètre cinquante, elle
avec son mètre soixante-quinze !… Envoyée à Ravensbrück pour diriger la
maternité, elle s’était liée avec le docteur Herta Oberheuser, assistante du
professeur Karl Gebhardt, ami et médecin de Himmler, qui expérimentait sur des
détenues l’efficacité des sulfamides. Plusieurs cobayes qu’il appelait
affectueusement ses « petits lapins » moururent et d’autres
restèrent mutilées à vie.
    À Ravensbrück, le docteur Schaeffer se
complut avec ce qu’il y avait de plus ignoble parmi le personnel du camp et
parmi les déportées de droit commun ou les prostituées. Malheur aux jeunes
filles et jeunes femmes qu’elle conviait à ses parties fines, elles n’en
ressortaient presque toujours que pour la chambre à gaz ou mortes d’une « crise
cardiaque » provoquée par une piqûre mortelle. Être choisie par la grosse
Bertha signifiait la mort. Certaines déportées encore belles se barbouillaient
le visage de suie ou de terre pour n’être pas remarquées par la formidable
amazone qui n’aimait rien tant que la chair fraîche et l’humiliation de ses
conquêtes. Elle était habituée depuis des années à voir ses collaborateurs, puis
les prisonnières trembler devant elle, et la révolte de Sarah l’avait mise dans
un état de rage et de stupeur difficilement imaginables.

3.
    Toutes les certitudes simples et bourgeoises
d’Albertine et de Lisa de Montpleynet avaient été balayées par ces quatre
années d’occupation allemande, les exactions qui avaient suivi la libération, le
climat de haine et de suspicion dans lequel était plongée la France et cette
pénurie dont rien n’annonçait la fin. La guerre était finie, mais rien n’était
redevenu comme avant ; les restrictions alimentaires, de textile, de
charbon étaient les mêmes que sous l’occupation. Elles n’étaient plus que deux
vieilles femmes tremblant devant les incertitudes de l’avenir. Elles avaient
cru que la fin des combats sonnait celle des privations. Mais le temps passant,
elles durent se rendre à l’évidence qu’elles ne connaîtraient plus la douceur
de vivre de l’avant-guerre. Pour l’heure, le quotidien était aussi difficile
que durant les années noires : restrictions, pénurie, cartes d’alimentation,
queues interminables devant les boutiques vides. Sans les trafics de Laure, elles
n’auraient pu subsister, d’autant que l’argent commençait à leur faire défaut. Moralement
c’était bien pire : l’opprobre de Françoise rejaillissait sur elles. Peu à
peu les visites d’amis s’étaient espacées. Lisa n’arrivait pas à se consoler de
ne plus avoir ses partenaires de bridge. Albertine faisait preuve de davantage
de force de caractère mais souffrait plus profondément ; elle se
reprochait de n’avoir pas su protéger les filles de sa nièce Isabelle, de
manquer de rigueur face aux agissements de Léa et aux commerces douteux de
Laure. La pauvre femme n’avait même plus le secours de la prière ; elle
avait perdu la foi. Cela, c’était son drame intime. Souvent la pensée du père
Adrien l’envahissait. Seule la peur de peiner ses nièces et surtout Lisa, qu’elle
avait toujours considérée comme une enfant, l’empêchait, à l’exemple du
dominicain, de mettre fin à ses jours.
    Les demoiselles de Montpleynet durent se
rendre à l’évidence : leur fortune était perdue. Il ne leur restait que l’appartement
de la rue de l’Université et une petite maison à Langon sur les bords de la
Gironde qu’elles avaient achetée sur les conseils de Pierre Delmas pour se
rapprocher, l’âge venu, de leur chère Isabelle. Leur vieux notaire avait été
formel : elles devaient vendre l’appartement et se retirer à Langon. Mais
que feraient Françoise et son petit garçon, Laure et Léa qui avait la
responsabilité de Charles ? La réponse leur vint de François Tavernier
venu les saluer lors d’un passage à Paris.
    — Mesdemoiselles, vous avez raison de
vouloir quitter la capitale.
    — Mais que vont devenir les enfants ?
Où iront-elles ?
    — Elles
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