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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin
Autoren: Anne Wiazemsky
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d’aimer pour toujours le premier garçon qui l’a embrassée.
    Elle regarde avec indifférence la bague de petite fille passée à son doigt, puis la retire et la glisse dans la poche de sa veste. Durant la violente crise de foie qui l’a tenue enfermée dans sa chambre, elle a oublié le jeune homme qui avait pleuré devant elle. Il fait partie de l’épisode de sa vie baptisé « Béziers » et cet épisode est terminé. De quoi sera fait le nouveau chapitre, couchée à l’arrière de la voiture, elle l’ignore. Dans son désir de rejoindre les armées, il y a la crainte du retour de Patrice. Elle souhaite ne pas l’attendre, quitter Paris avant qu’il ne se présente à elle, avec son amour et sa demande en mariage. Gagner du temps, être plus sûre de ses sentiments.
     
    La pluie a cessé quand la voiture entre dans Paris après quelques détours. Il fait nuit depuis longtemps, il y a peu de lumière derrière les volets fermés et tous les lampadaires ne sont pas allumés. Quelques rares voitures roulent encore dans les rues désertes. Place de la Concorde, les deux jeunes femmes ont en même temps un cri de joie : pour la première fois, elles constatent l’absence des panneaux de signalisation allemands en lettres gothiques. Elles avaient vu les photos des reportages dans la presse, bien sûr, on leur avait raconté, elles savaient, mais ce n’était pas réel. Claire se redresse sur la banquette arrière. Profitant d’un feu rouge, elle étreint de ses bras les épaules de sa coéquipière. Celle-ci se retourne, avec sur le visage un mélange d’extrême fatigue et de triomphe. L’une donnant le signal à l’autre, elles entonnent à tue-tête Le Chant des partisans .
     
    Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines,
    Ami, entends-tu les cris sourds d’un pays qu’on enchaîne

 
    Journal de Claire :
     
    « Dimanche 22 octobre 1944
    Me voici à Paris depuis onze jours déjà ! J’avoue ne pas encore y avoir été heureuse. Je n’ai aucune joie. Aucune.
    J’ai appris l’autre jour la mort de Jock. Je ne peux dire combien cela m’a fait de la peine. Je savais que je ne le reverrais pas, mais j’espérais tout de même. Il a été tué en Italie, dans la région de Cassino, je crois. Il était dans une Jeep et il a été décapité. Pauvre Jock, il était, paraît-il, adoré de tout le monde. Quand les autres parlaient tranquillement de sa mort, ils ne se rendaient pas compte de ce que cela me faisait. Maintenant, je suis sûre de ne plus le retrouver sur le front, de ne plus le rencontrer dans la rue, de ne plus recevoir une lettre de lui et je suis aussi triste que le premier jour. Jock est le seul être que j’aie aimé. L’autre soir, lorsque j’étais au Lido, j’avais envie de pleurer. Tous ces gens qui dansaient me donnaient mal au cœur. Je voyais Jock dans son cercueil. Je l’imaginais comme j’en avais vu tant d’autres et je trouvais ça horrible. C’est vrai, j’ai failli pleurer.
    Depuis que je suis à Paris, j’ai revu un tas de vieux amis, mais à tous j’avais envie de dire : “Ce n’est pas vous que je voudrais voir, c’est Jock.”
    Je ne pense plus jamais à mon amoureux de Béziers. J’ai toujours su que je ne l’aimais pas.
    Adieu Jock. »
     
    Claire entend son prénom résonner dans l’appartement, des exclamations diverses, des rires : sa sœur Luce qui a accouché d’une deuxième petite fille, vient présenter le bébé à leurs parents. Claire n’a pas envie de se précipiter auprès d’eux. Elle ira, bien sûr, il le faut, mais un peu plus tard. Depuis son retour, elle peine à trouver sa juste place dans sa famille, dans le groupe encore clairsemé de ses amis. D’ailleurs toutes et tous sont très occupés et de ce fait indifférents à ce qu’elle vient de vivre au sein de la Croix-Rouge. C’est particulièrement le cas avec son père et ses frères. Sa participation, même minime, à la Résistance n’a pas suscité l’admiration qu’elle souhaitait et dont elle a tant besoin. Leur vie d’hommes n’est-elle pas toujours plus importante ? Tous ont d’abord voulu la convaincre que sa place, sa vraie place de femme, était auprès de ses parents. Elle a tenu tête. Depuis, ils ont cessé d’en parler. Claire attend maintenant d’avoir son ordre de mission. Elle sait déjà que d’ici quelques semaines, peut-être quelques jours, elle partira avec Martine, au volant d’une ambulance, pour Belfort où
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