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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin
Autoren: Anne Wiazemsky
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la guerre continue. Elle est prête, elle a fait nettoyer son uniforme qui l’attend comme neuf dans la penderie avec la croix de Lorraine épinglée au revers.
    De s’imaginer à nouveau sur les routes, dans la brume, le froid et la nuit, lui redonne le sentiment d’exister. Mais une fulgurante douleur la traverse. Elle ne reverra pas Jock. Elle l’avait rencontré durant des vacances à Montgenèvre, près de Briançon où il faisait son service militaire en 1938. C’est lui qui avait l’habitude de l’appeler Clarinette. L’autre, André, est vivant et se bat sur le front Est. Elle souhaite de tout son cœur le retrouver, lui dire comment elle a eu peur pour lui, le serrer dans ses bras, s’excuser de ne pas avoir compris qu’il était un héros, un vrai.
    Elle n’oubliera jamais cette journée d’octobre 1943 où elle l’attendait gare de Lyon. Elle l’avait vu descendre du train. Elle avait couru à sa rencontre mais un « Non » muet dans son regard l’avait stoppée net. Une seconde après, quatre hommes de la Gestapo l’avaient encerclé, menotté et poussé brutalement en avant. Il ne leur avait opposé aucune résistance et ses yeux étaient restés obstinément baissés quand ils étaient passés à sa hauteur. Claire d’abord stupéfaite avait voulu le rejoindre mais la main d’un inconnu l’avait attrapée par le coude. Une voix avait murmuré dans son cou : « Ne faites rien, allez-vous-en... Vous mettez sa vie en danger... » Elle n’avait pas eu le temps de voir son visage car il s’était fondu aussitôt dans la foule des voyageurs. Elle n’avait aperçu que la grande silhouette de ce qui lui parut être un très jeune garçon.
    Claire était sortie de la gare et avait pris le métro sans rien manifester. D’ailleurs, elle n’aurait pas pu, elle était en état de choc. Ce n’est qu’une fois arrivée chez elle, qu’elle éclata en sanglots. Son père, alerté, la fit monter dans son bureau et lui expliqua ce qu’elle avait toujours ignoré : son ami André était un résistant de la première heure, à plusieurs reprises, déjà, la Gestapo avait failli le coincer. Il ajouta encore qu’il serait sans doute torturé mais qu’il connaissait son courage et qu’il était sûr de son silence. Puis il avait murmuré : « Mais à quel prix, mon Dieu... » Et d’une voix redevenue normale : « En te faisant ce signe, il t’a sauvé la vie : ils t’auraient torturée à mort pour le faire parler et sans doute, alors, l’aurait-il fait... Ne l’oublie jamais. » André, en mai 1944, était parvenu à s’évader et avait pu rejoindre un mouvement de Résistance. Il avait participé à la libération de Paris.
    D’évoquer Jock et André lui fait penser à deux autres de ses amis, Michel et Minko. Elle a eu de leurs nouvelles, ils sont sur le front Est, ils sont vivants. Pour combien de temps ?

 
    Emmitouflée dans son manteau de fourrure, coiffée d’une toque, une longue écharpe en laine autour du cou, Claire affronte le vent glacial de l’esplanade des Invalides. Elle rentre d’une semaine passée sur le front Est, à Belfort, et sort de l’appartement des parents de Patrice. Comme il y a de cela un an, ils l’ont accueillie avec tant d’affection qu’elle s’est attardée auprès d’eux. Elle apprécie leur simplicité, l’amour qu’ils éprouvent pour leurs trois fils dont le plus jeune, Laurent, était présent ; leur patriotisme. Pour eux, Claire est la fiancée de Patrice et ils la considèrent comme leur fille. Une fille longtemps désirée car ils n’ont mis au monde que des garçons. Ils approuvent et respectent son engagement dans la Croix-Rouge. Ils comprennent qu’elle n’ait guère le temps d’écrire. Mais au détour d’une phrase ils lui ont confié que Patrice s’inquiète de la rareté de ses lettres.
    Toujours prisonnier en Allemagne, affaibli, il ignore les mouvements des armées alliées et souffre plus encore du froid, de la faim et d’un douloureux sentiment d’abandon. Dans son dernier message daté d’octobre, Patrice évoque la possibilité d’un transfert dans un autre camp dont il ignore tout. Cette précision a ému Claire. Elle s’en veut d’avoir si peu songé à lui, de l’avoir oublié, comme si, loin de Paris, elle le mettait entre parenthèses. Brusquement, dans cet appartement où il vivait avant la guerre, près de ses parents qui lui ressemblent, Patrice est redevenu un être réel.
    Claire
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