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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin
Autoren: Anne Wiazemsky
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Patrice n’était rien ou presque rien pour moi alors que maintenant il a pris une place qui grandit tous les jours davantage. Je pensais à lui avec ennui et j’avais presque peur de le voir revenir. Maintenant je compte les jours, je voudrais le voir, le toucher, lui parler, le remercier de tant m’aimer, de m’avoir appris à l’aimer, à l’attendre avec tant de joie et d’impatience.
    Il y a un an, j’échouais à l’examen d’entrée à la Croix-Rouge. J’étais triste car je doutais de moi. Aujourd’hui, je sais que je suis capable. Ainsi, en cette fin d’année, je suis contente du chemin parcouru. Il me semble que Caen m’a fait un bien immense. Je suis moins égoïste et surtout je sais mieux apprécier le vrai bonheur. Je suis moins blasée. Je m’aime moins pour moi que pour Patrice. Je l’attends. Je prends un immense plaisir à imaginer notre appartement et ma vie à ses côtés. »
     
    Sur les pages suivantes, Claire a minutieusement recopié les lettres qu’elle a envoyées à Patrice. Elle y relate des fragments de sa vie quotidienne mais se plaît surtout à rêver leur vie future dans un monde pacifié. Ce sentimentalisme, l’affirmation chaque fois répétée de son amour brusquement l’excèdent. « Quels enfantillages ! » pense-t-elle. Et aussitôt après : « Comme je me suis engagée ! » Elle en oublie que les lettres répondent à celles de Patrice, rangées dans sa valise et qu’elle relit rarement. « Pas le temps », dit-elle à voix haute comme si on lui en demandait la raison. Elle ne lui a pas écrit depuis plusieurs jours et un soupçon de remords lui gâche la fin de sa cigarette. Vite, elle saute ces fâcheuses pages et allume une nouvelle cigarette au mégot de la précédente. Elle préfère revenir à des récits plus flatteurs qui, pense-t-elle, reflètent davantage la jeune femme qu’elle est devenue grâce à la guerre. Comme souvent, c’est une lettre qu’elle a recopiée avant de la faire transmettre par une de ses compagnes en permission. Celle-ci est adressée à sa famille, 38 avenue Théophile-Gautier, Paris XVI e .
     
    « 21 août 1944
    Mes adorables petits parents, je commence juste à réaliser que je suis dans un pays libre et que je peux écrire ce que je veux. Je pense terriblement à vous. Avant-hier soir, lorsque les postes de la T.S.F. criaient la libération de Paris, j’avais envie de pleurer tant j’étais triste de ne pas y être. À ce moment-là, j’aurais donné tout ce que j’ai vécu pendant ces quelques mois à la C.R.F. pour ces quelques heures à Paris.
    Vous devez avoir vu des choses formidables et j’ai presque honte de vous raconter le peu de choses que j’ai fait.
    Pendant des jours et des jours, les convois allemands sont passés à Béziers. Nous, nous continuions nos missions sur des routes encombrées. Assise sur l’aile de la voiture, j’interrogeais le ciel. Plusieurs fois nous avons été prises dans d’énormes convois. Il nous était impossible d’en sortir, sauf quand les avions étaient au-dessus de nous, car la colonne s’arrêtait au bord de la route. Les Alliés ont souvent mitraillé, mais jamais au-dessus de nous. On comprenait ce qui se passait à la figure des Allemands et à leurs voitures en feu.
    Dimanche dernier, mitraillage de la ville. De 5 à 9 heures du soir, les tanks ont traversé la ville en mitraillant : 15 morts, 50 blessés. Imaginez votre petite Claire avec sa copine Martine et un agent mettant une demi-heure pour arriver jusqu’à mon ambulance. Le plus dangereux était la traversée des grandes avenues. On faisait un pas et on se collait contre le mur à cause d’une rafale de mitrailleuse. Nous avons fini par marcher lentement au milieu de la rue en montrant nos écussons et en levant les bras. Plusieurs fois, des fusils qui nous visaient se sont baissés. Pendant quatre heures nous avons parcouru les rues de Béziers pour relever les blessés. Les balles sifflaient partout, c’était formidable. Les Allemands n’ont jamais tiré directement sur nous. Je me suis mise à un moment entre deux tanks et un soldat allemand m’a fait signe de mettre un casque. Je n’ai pas eu peur et si ce n’était les morts et les blessés, j’aurais été folle de joie. Sans Martine et moi, un homme serait mort d’hémorragie. Il le sait et, chaque fois que nous allons à l’hôpital, il nous remercie. Cela fait plaisir et console de bien des choses.
    J’ai passé
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