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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin
Autoren: Anne Wiazemsky
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sont morts tous les deux. Il y a eu je ne sais combien d’accidents par arme à feu. Je ne comprends pas pourquoi on ne désarme pas tous ces gosses. Ils sont tellement fiers, qu’ils s’amusent tout le temps avec leurs joujoux.
    Surtout ne racontez pas à tout le monde ce que nous avons fait avec nos ambulances pour les résistants. N’oubliez pas que nous travaillons sous le drapeau C.R.F. et que nous n’avions pas le droit de le faire. Il me tarde de travailler ouvertement pour les armées. Je n’ai pas une âme d’espionne. »
     
    À la T.S.F., c’est la fin du Concerto pour clarinette . Pour l’avoir si souvent écouté, elle sait qu’il s’agit du troisième mouvement, le rondo. Elle songe que deux de ses amis les plus chers, ses « soupirants » comme les surnomme sa famille, se battent encore quelque part contre les Allemands et qu’ils n’ont pas donné de nouvelles depuis longtemps. Sans s’être concertés, ils l’appellent « Clarinette ». Où sont-ils ? Vivent-ils seulement ?
    Deux brefs petits coups et la porte s’ouvre. Une tête de blonde ébouriffée se profile dans l’embrasure. Des yeux bleus myosotis, un petit nez impertinent, un sourire irrésistible : c’est Martine, sa coéquipière préférée dont la bonne humeur constante l’a souvent aidée.
    — Je descends dans la cuisine nous préparer un frichti. Tu viens avec moi ? Après on ira voir si les autres sont au café.
    — J’arrive dans cinq minutes.
    La porte est refermée doucement mais les hauts talons en liège de Martine claquent sur le plancher du couloir. Claire se débarrasse de son cahier, attrape un bloc, un stylo et se met à écrire :
     
    « Béziers, 21 septembre
    Mes chers parents, si la guerre est vraiment finie partout, je serai bientôt parmi vous, mais si elle continue, je monterai vers le front. Je souhaite de toutes mes forces qu’elle se termine pour vous revoir et pour que toutes ces blessures finissent. Mais si cela continue, je monterai avec joie. »
     
    Elle leur a dit le principal mais elle juge que c’est trop brutalement annoncé et qu’il conviendrait de le faire avec un peu plus de tact, de respect pour le choc qu’ils vont éprouver à la lecture de sa lettre. Commencer par le récit de sa journée de congé ? Réclamer de leurs nouvelles à tous ? Facile, elle refera sa lettre en rentrant de sa soirée. Pour l’instant elle se sent délivrée d’un poids énorme et elle a un besoin urgent d’annoncer sa décision à Martine, aux autres filles, peut-être.

 
    Journal de Claire :
     
    « Lundi 9 octobre 1944, minuit
    Après-demain je quitterai Béziers. Je ne peux dire combien je suis contente mais aussi combien je suis triste. Voilà un autre chapitre de ma vie qui se termine. Neuf mois ! Toute une vie et quelle vie ! J’ai été heureuse ici et je regrette presque tout. Si je ne partais pas pour revoir ma famille et pour rejoindre l’armée, il me semble que je pleurerais toutes les larmes de mon cœur. Malgré ma joie, je suis triste, affreusement triste. Béziers est je crois la plus belle page de ma vie. J’aurai vécu pleinement, complètement. »
     
    Elle contemple une modeste bague en fer-blanc munie d’une fausse améthyste, une bague de petite fille, que le jeune lieutenant rencontré en septembre vient de lui offrir. Cette nuit, c’est lui qui occupe toutes ses pensées.
     
    « J’ai tant de peine à le laisser tout seul, si seul. Sa peine me bouleverse et ce soir je n’étais même plus contente de revoir mes parents et pourtant... Si je ne le laissais pas, je ne serais pas aussi triste, mais je sais qu’il est malheureux et je ne peux pas être heureuse. Je ne l’oublierai jamais. Il a été mon bon ange. Il m’aimait vraiment et je lui suis reconnaissante de tout ce qu’il m’a donné. Je n’oublierai jamais son visage et ses yeux. C’est la vie, il est inutile de pleurer, mais on peut se souvenir. Que c’est bête de s’attacher ainsi. Comme cette vie m’a changée. J’étais une gosse, je suis une femme. »
     
    Claire se lève et enfile son manteau de fourrure. Dans la cheminée, les dernières bûches se sont consumées, les quelques braises qui restent ne chauffent plus rien. Elle souffle sur ses doigts engourdis, les frotte les uns contre les autres. Dehors il pleut à verse. Une pluie dense qui dure depuis deux jours et qui lui fait oublier qu’elle se trouve dans le midi de la France. Ce qu’elle vient
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