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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin
Autoren: Anne Wiazemsky
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rappelle tout d’un coup qu’elle le jugeait un peu fade, un peu ennuyeux, au début. Mais il s’était porté volontaire pour diriger un bataillon disciplinaire et elle l’avait regardé autrement : quel courage ! Et que cet homme si héroïque soit tombé éperdument amoureux d’elle l’avait épatée, séduite. À son contact, elle s’élèverait, il l’aiderait à grandir, à ne plus être la « charmante petite Mauriac ». Aujourd’hui, après quatre années de guerre, elle s’émeut de la fragilité d’un autre homme... Patrice ignore qu’elle n’est plus la jeune fille qu’il a connue. « J’étais une gamine et je suis une femme », comme elle ne cesse de se le dire. Et lui, qu’est-il devenu ? Ses lettres ne laissent aucune possibilité de discerner le moindre changement.
    Ses pensées s’arrêtent net et une angoisse animale la fige sur place. Elle sent monter la migraine, elle en reconnaît les prémices. La migraine, sa vieille ennemie... Elles avaient presque disparu durant l’été, elles sont réapparues début septembre, espacées d’abord, puis de plus en plus rapprochées. Souvent elles sont suivies d’effroyables crises de foie qui la retiennent au lit, dans l’obscurité, près de vingt-quatre heures, quarante-huit parfois. Elle sait que le voyage en train du lendemain ne se déroulera pas mieux qu’en temps de guerre, qu’il y aura des retards, des arrêts imprévus, trop de monde pour pas assez de places assises. Comment rejoindre Paris si une crise de foie succède à la migraine qui, maintenant, s’installe ?
     
    Claire ne peut pas prendre le train le lendemain. Elle reste deux jours au lit, terrassée par la souffrance. Ses compagnes à tour de rôle lui montent du thé chaud car c’est tout ce qu’elle peut absorber. Elles ont appris à se taire : le moindre bruit lui vrille la tête. Le reste du temps, elles font des va-et-vient entre la prison et l’hôpital pour transférer les détenus les plus malades. On craint un début d’épidémie du typhus.
    Seule la chienne Freddy, mascotte de la section, est autorisée à demeurer dans sa chambre. Couchée à un mètre du lit, le museau posé sur les pattes avant, elle veille celle qui l’a ramassée, affamée et couverte de blessures, lors des premiers bombardements alliés. Son regard humide d’amour ne quitte pas Claire qui, devant elle, geint sans retenue.

 
    Une voiture dont la mission est de rapporter des médicaments et du matériel chirurgical de Paris, se charge de conduire Claire chez ses parents. Encore affaiblie, elle a abandonné la conduite à sa coéquipière et, allongée à l’arrière, regarde défiler les paysages. Elle ne s’attendait pas à traverser certaines régions aussi dévastées, à tant de ruines, à ces routes défoncées, à l’empreinte presque partout des bombardements et des incendies. Des visages à peine entrevus sont encore marqués par la peur et la faim. La pluie et le ciel bas et sombre accentuent l’aspect désolé du pays. « Pauvre France », murmure Claire le cœur serré. Sa compagne, à l’avant, se tait, concentrée sur la conduite rendue difficile. Elle saura se débrouiller, elle a l’habitude. Mais Claire suppose qu’elles éprouvent l’une et l’autre le même chagrin.
    Au fur et à mesure que Béziers s’éloigne, ce Paris qu’elle désirait tant revoir perd de son attrait. Que fera-t-elle au sein de sa famille ? À quoi servira-t-elle ? Elle ne se voit guère reprendre ses cours de sténodactylo comme elle le faisait avant son entrée à la Croix-Rouge. La direction n’a pas encore répondu à sa demande de transfert auprès des armées, dans l’est de la France où la guerre se poursuit. Elle ne craint pas un refus, non, la Croix-Rouge a besoin d’effectifs. Elle souhaite seulement que cela aille vite, qu’elle n’ait pas le temps de se laisser rattraper par la routine familiale, le confort et les distractions qu’offre Paris. Son amie Martine partage son point de vue. Elle a retrouvé son fiancé blessé lors de la libération de la capitale. Actuellement, elle le soigne dans la maison de ses futurs beaux-parents mais, dès qu’il le pourra, il rejoindra son bataillon. Martine souhaite être à égalité avec lui, courir les mêmes dangers, partager les mêmes privations, combattre pour un monde libre. Claire envie son amie de toujours savoir comment mener sa vie, de discerner si facilement les bons choix des mauvais et
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