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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin
Autoren: Anne Wiazemsky
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cigarette dans une main et son stylo dans l’autre, elle fixe la neige qui a recouvert son balcon et qui continue de tomber. Elle songe avec ennui aux rues qu’il va falloir dégager, aux déplacements rendus difficiles, à la boue qui s’ensuivra. Et elle s’étonne d’avoir de pareilles préoccupations alors qu’elle devrait être à Belfort. Elle pense avec un début de colère qu’elle n’aurait pas dû écouter sa sœur ; que sa place n’est pas dans l’appartement familial mais là-bas, au cœur de la guerre où elle n’aurait même pas le temps d’avoir peur. Ici, la peur qu’éprouvent les siens la gagne, grignote sa volonté d’action. Elle repose son stylo, allume une nouvelle cigarette. Après, elle se rendra au salon : c’est l’heure des nouvelles à la T.S.F. Le salon est aussi la seule pièce où des bûches brûlent en permanence. Au moins, elle aura chaud.
     
    Journal de Claire :
     
    « Mardi 19 décembre 1944
    Les Allemands ont déclenché samedi une grande offensive sur la frontière du Luxembourg et de la Belgique. Ils avancent. On sait qu’ils ont accumulé de grandes forces en hommes et en matériel. Alors, comment ne pas être inquiet, terriblement inquiet. On croyait les Allemands à bout de forces, ils ne faisaient que se concentrer et accumuler.
    On n’avait vraiment pas besoin de cela. Quelle horreur !
    Même si cette attaque finit par être enrayée, je pense à tout ce sang qui coule, à tous ces villages et aux représailles qui vont suivre. Je pense à tous ces milliers d’êtres qui sont désespérés et à tous les Français qui espèrent encore la victoire allemande. Je pense à cette guerre qui ne finit pas et au désespoir de Patrice.
    Je ne peux dire avec quelle tendresse et aussi avec quelle tristesse je pense à lui en ce moment. Quelle injustice ! Il a quitté son camp pour celui de Lübeck où ils sont les uns sur les autres. Il ne peut que penser à moi et se demander si je l’attends car il ne reçoit aucune lettre. Je voudrais qu’il revienne. Je voudrais l’épouser et vivre tranquillement à l’ombre de son amour.
    Il n’est malheureusement pas question de faire des projets.
    On craint toujours l’arme nouvelle dont on parle depuis longtemps sans y croire. On craint ce maquis brun prêt à attaquer au premier signe de Darnand. On craint les Allemands qui sont restés dans l’ouest de la France.
    J’ai peur pour papa que les hommes de Darnand abattront si Maurras est condamné à mort et il le sera.
    L’avenir apparaît sombre et ce Noël sera probablement le plus affreux de ces dernières années. »
     
    Claire referme son cahier. En écrivant dans son journal ce qu’elle s’interdit d’écrire à Patrice, ce qu’elle tait à ses parents car la consigne familiale est de ne pas se plaindre, une pensée a pris forme qui s’impose maintenant à elle comme une évidence : elle doit rejoindre sa section en Alsace.

 
    Journal de Claire :
     
    « Mercredi 27 décembre 1944
    Me revoilà de nouveau à Paris ! C’est inimaginable mais cela est. Pas la peine de pleurer puisque cela devait être ainsi. Le jour de Noël alors que je me chauffais contre le poêle de notre chambre, Minko est arrivé et m’a dit qu’il avait besoin d’une ambulance d’urgence.
    J’ai donc roulé toute la nuit et suis arrivée à Paris quand il faisait jour. Quelle réception à la C.R.F. ! Il résulte de tout cela que je suis de nouveau à Paris sans savoir ce que je vais faire.
    Je reviens à ma soirée de Noël.
    Triste messe de Noël qui aurait dû être merveilleuse dans cette petite église d’un petit village d’Alsace mais qui fut ratée parce que l’orgue avait le hoquet et que les chants étaient d’une pauvreté à pleurer. Je pensais à ce Noël qui était encore plus triste que les autres, je pensais à tous ceux qui mouraient dans cette nuit glacée, je pensais à tous les prisonniers, au désespoir de mon pauvre Patrice et je sais que j’ai prié pour lui, pour que cette horrible guerre finisse.
    La messe n’était pas plus tôt finie que nous fûmes entassées dans deux ambulances et transportées dans un autre village où toute une bande d’officiers nous attendait pour fêter dignement Noël. La lune était magnifique et je garde un bon souvenir de ce petit voyage, serrées les unes contre les autres, en chantant. En dansant, je me disais : Mais si les Allemands attaquaient ? Vers 6 heures, un homme entra. Puis ce
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