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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif
Autoren: Jerry Spinelli
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a frôlé mon oreille. J’y ai
    porté ma main. Plus de lobe. On était en train de me tirer
    dessus ! J’ai plongé dans la conduite d’aération la plus proche et
    suis rentré en empruntant les petites rues.
    Mon oreille était douloureuse. Je pleurais. Youri est venu à
    moi. Je lui ai raconté ce qui s’était passé, et il a allumé son
    briquet pour voir. Il m’a calotté avant de presser un chiffon
    contre mon oreille.
    — Imbécile… imbécile…
    — Je ne trouve plus mon lobe, ai-je gémi.
    — On te l’a canardé.
    — Qui ?
    — Les Bottes Noires, qu’est-ce que tu crois !
    — Pourquoi les Bottes Noires ont tiré sur mon oreille ?
    — À cause du couvre-feu.
    — C’est quoi, le couvre-feu ?
    Il a éteint son briquet. Il n’était plus qu’une voix dans les
    ténèbres.
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    — Le couvre-feu, ça veut dire plus de juifs dans les rues
    après la tombée du jour.
    — Je suis même pas juif, d’abord !
    — S’ils te prennent pour cible, c’est que tu es juif. Je t’avais
    prévenu de ne pas t’aventurer dehors la nuit. Tu n’écoutes pas.
    Il a rallumé son briquet, m’a flanqué une deuxième claque, a
    éteint son briquet.
    C’était vrai. Il m’avait averti. C’était également vrai que je
    n’obéissais pas. J’avais filé en douce pendant qu’il dormait. Pour
    lui montrer que je comprenais, je me suis giflé moi-même.
    Avant de me coucher, je me suis rappelé ma poche. J’en ai
    tiré ce que j’avais trouvé sur le perron de Janina. Rien qu’au
    toucher, j’ai deviné que c’était un nœud pour les cheveux. Il
    devait être rouge, celui qu’elle avait porté à son anniversaire. Je
    l’ai mis dans un sac à pain, là où je gardais tout ce qu’elle laissait
    sur les marches.

    Le lendemain, Youri a noué une corde autour de mon
    poignet.
    — Ça t’apprendra, a-t-il déclaré.
    Nous sommes allés retrouver les garçons.
    Nous les avons dénichés au cimetière. Ils ont ri en me
    voyant.
    — Il est en laisse !
    — Ouaf ! Ouaf !
    — Lancez-lui un nonos !
    — Regardez ! Il s’est battu avec un autre chien qui lui a
    arraché un bout d’oreille.
    — Fichez-lui la paix ! a ordonné Youri.
    — Fichez-moi la paix ! ai-je renchéri. J’ai sept frères et cinq
    sœurs.
    Ils ont ri encore plus fort, mais ils m’ont laissé tranquille.
    Il y avait là Ferdi le souffleur de fumée, Olek le manchot,
    Enos le lugubre et tous les autres. En revanche, il n’y avait plus
    de trésor entassé, plus de cigare, et plus personne ne jetait de
    nourriture. Il y avait cependant des cigarettes.
    — Ferdi en a tiré une pleine poignée de sa main –, et tout le
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    monde en a allumé une, même moi. C’était la première fois.
    — Il fume ! s’est exclamé Kouba (un vrai clown, celui-là !).
    — Ça va ralentir sa croissance !
    — Comment veux-tu ? Il est déjà plus petit qu’un cafard !
    Puis Kouba le clown s’est transformé en Olek le manchot.
    Ils se sont battus, mais le jeu n’était pas égal. Olek était bien
    meilleur avec deux jambes que Kouba avec deux bras. Olek a
    emprisonné Kouba comme une pieuvre, Kouba piaillait et se
    débattait comme un beau diable. Il a attrapé la jambe de Ferdi
    et l’a mordue. Ferdi a poussé un hurlement et, en quelques
    secondes, la mêlée a été générale, sauf Enos le lugubre et Youri.
    Moi aussi j’y suis allé, malgré ma laisse. On riait, on se mordait,
    on se bagarrait – on devait avoir l’air d’une grosse bête
    grouillante, avec toutes ces têtes, ces bras et ces jambes.
    Finalement, on s’est séparés et on s’est affalés sur le sol,
    épuisés et joyeux. Mon oreille s’était remise à saigner, et j’avais
    mal. J’ai pressé une poignée d’herbes sèches dessus.
    Mis à part Kouba, on s’est assis par terre, discutant, rigolant
    et fumant nos cigarettes. Ça n’a pas duré longtemps, parce que
    le sol gelé était encore plus glacial que l’air. L’un après l’autre,
    on s’est relevés. On a bougé. On se bousculait, on luttait au
    corps à corps. On a inventé un jeu qui consistait à donner et à
    recevoir de grandes embrassades d’ours. Pour voir qui était le
    plus fort, soi-disant, mais je crois plutôt que c’était pour se
    rapprocher les uns des autres. Dans le cimetière, les seuls feux
    étaient nos corps.
    Quelques-uns ont joué à cache-cache au milieu des tombes.
    J’en étais, et quand ça a été mon tour de chercher, je suis tombé
    sur une sépulture comme je
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