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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif
Autoren: Jerry Spinelli
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Youri ?
    — Quoi encore ? a-t-il grondé.
    — Tu crois aux anges, toi ?
    — Je crois au pain. Et maintenant, boucle-la, où tu auras de
    mes nouvelles.
    Je l’ai bouclée.

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    Comme pour confirmer les paroles de Youri, le pain est bientôt
    devenu une chose à laquelle croire plutôt qu’un produit de
    consommation.
    Un jour, je me suis rendu à un de mes postes habituels. Les
    coins de rue près des boulangeries – rien de mieux. J’ai
    attendu. Personne ne passait chargé d’un sac à pain. Plus
    exactement, personne ne sortait du magasin. Renonçant, j’ai
    gagné mon deuxième lieu de guet. Pareil. Toute la journée, je
    suis allé de planque en planque. Rien. Je n’ai pas vu la moindre
    miche.
    Alors, j’ai fait ce que je ne faisais presque jamais – je suis
    entré dans une boulangerie. C’était une de celles avec une étoile
    jaune peinte sur la vitrine. J’ai été secoué. Sur les étagères
    alignées contre le mur, pas de pain du tout, juste un petit
    croissant esseulé. Sous verre, deux ou trois gâteaux secs.
    Le boulanger est sorti de l’arrière-boutique.
    — Tu veux acheter quelque chose ? a-t-il grommelé.
    J’ai contemplé avidement le croissant. C’était mieux que
    rien. Mais il était trop haut pour que je m’en empare. Ma
    rapidité et mon agilité ne me seraient d’aucune aide.
    Je lui ai montré ma pierre jaune.
    — On troque ? ai-je proposé.
    Bien sûr, je ne la lui aurais pas donnée. Je voulais
    seulement l’obliger à descendre le croissant.
    Il est devenu tout rouge. M’a montré la porte d’un air
    furieux.
    — Dehors ! Sors d’ici, espèce de petit voleur !
    Il a essayé de m’attraper, mais j’étais déjà loin.
    De retour dans l’écurie, j’ai dit à Youri :
    — Il n’y a plus de pain.
    — Apprends à manger des cornichons.
    J’ai obéi. J’ai appris à manger des tas de choses. S’il n’y
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    avait pas de nourriture dans la rue, sous les bras des dames en
    étoles de renard, j’allais dans les boutiques. Si les étagères des
    boutiques étaient vides, j’allais dans les maisons. Il y avait
    toujours des provisions, dans les maisons, surtout les grandes et
    belles demeures où logeaient les dames en étoles de renard.
    Il me fallait être patient. Trouver une porte non verrouillée
    était difficile. J’ai appris à chercher les petits enfants qui
    jouaient devant les grandes et belles demeures. Lorsqu’ils
    rentraient, ils oubliaient souvent de fermer la porte à clé.
    J’entrais à mon tour, parfois juste derrière eux. Certains se
    retournaient et me demandaient qui j’étais, ce à quoi je
    répondais : « Misha Pilsudski. » D’autres ne disaient rien. Ils
    semblaient penser que j’étais de la maison pour franchir aussi
    tranquillement les portes avec eux.
    Je filais droit à la salle à manger ou à la cuisine. Les
    événements dépendaient ensuite de qui était là et de la pièce où
    se tenaient les occupants des lieux. S’il n’y avait que des enfants,
    je lançais : « Où sont rangés les biscuits ? » ou bien « Où se
    trouvent les bonbons ? » S’il y avait des adultes dans les
    parages, je raflais la première chose que je voyais et
    déguerpissais. S’il n’y avait personne ou seulement un très jeune
    enfant, je prenais mon temps pour faire mes emplettes dans la
    cuisine.
    Une fois, j’ai pénétré dans une maison par une porte arrière
    non fermée à clé. J’ai entendu des voix et des rires. J’ai traversé
    la cuisine et, soudain, me suis retrouvé sur le seuil d’une pièce,
    face à une famille qui dînait autour d’une longue table. Les
    mets, l’argenterie et le cristal étincelaient. Au milieu de tout ça
    trônait un magnifique oiseau rôti doré, une oie ou une dinde
    peut-être. Je dois les avoir pris au dépourvu, car tout s’est arrêté
    et ils m’ont regardé béer devant leur table. Mais ça n’a pas duré.
    Comme d’habitude, j’ai été le premier à réagir. Sans doute la
    règle la plus ancienne de mon existence. Bien que, en
    l’occurrence, ça ait sûrement été dû à un réflexe de mes jambes
    plutôt qu’à une réflexion (« bouge toujours le premier »). Tant
    que je serais le premier, ils devraient me rattraper. Or c’était
    impossible.
    Agrippant l’oiseau par une patte, j’ai jailli par la porte de
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    derrière avant même qu’ils se soient levés de leurs chaises.
    Bien sûr, je ne pouvais me permettre ça qu’une fois par
    maison, mais les
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