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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus
Autoren: Arlette Cousture
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par l’inquiétude qu’eux-mêmes. Elle dit alors à Jan qu’elle et son mari avaient commandé tout un mobilier de chambre neuf mais qu’ils avaient annulé l’achat. Jan comprit les causes de l’esclandre.
    – Est-ce que vous pourriez me promettre de nous laisser vous offrir son lit dans deux ans?
    Jan fit oui de la tête et, devant leur évidente satisfaction, les invita à venir immédiatement porter le landau. M. et M me Dupuis ne se firent pas prier et ils poussèrent le landau vide avec autant de précaution que s’ils avaient promené un nourrisson.
    – J’ai pensé acheter la robe de baptême.
    – C’est bien aimable, mais ma belle-sœur nous a expédié celle dans laquelle mon neveu et ma nièce ont été baptisés. Nous essayons de perpétuer une tradition de famille. Ce n’est pas une robe mais une espèce de petit habit blanc, piqué et brodé, dans lequel il y a plein de place pour déposer de l’argent.
    – À l’église?
    – Non, au retour. J’espère que vous n’aurez pas d’objection à ce qu’on le baptise en suivant quelques petites coutumes polonaises. Michelle et Élisabeth y tiennent.
    – Non, non, bien entendu.
    Si Jan avait été touché par le geste d’Anna, soupçonnant qu’elle avait certainement voulu par là recréer des liens entre les survivants d’une famille décimée et éclatée, l’accord spontané des Dupuis lui fit un bienimmense. Ce soir-là, Jan parla longuement aux lunettes de son père, le suppliant d’aider Michelle à finir cet enfant qui était un chaînon entre eux tous.

64
    La chambre était presque complétée. Élisabeth arpenta les rues, marchant tantôt vers le nord, tantôt vers le sud, mais jamais plus au sud que la rue Marie-Anne, jamais plus au nord que la rue Laurier. Elle avait visité plusieurs petits logements, mais elle les trouvait ou trop laids, ou trop petits, ou trop sombres, ou trop bruyants. Elle rêvait d’un salon assez spacieux pour pouvoir, un jour, y installer un piano devant une cheminée; d’une salle à manger immense où elle pourrait les recevoir tous: Jan et sa famille, Jerzy et sa famille, M. et M me Favreau; d’une cuisine vaste où elle pourrait se déplacer sans heurter les coins des comptoirs; d’une chambre avec balcon donnant sur un joli jardin. Tous ses rêves se trouvaient ailleurs, et ils étaient, elle le savait, inaccessibles.
    Élisabeth et Denis sortirent de l’automobile et il lui prit l’épaule. Ils s’étaient arrêtés sur le belvédère de Westmount et la ville scintillait à leurs pieds. Élisabeth parla de la fin des travaux et du moral de Michelle qui n’avait jamais sombré sous la ligne de flottaison. Elle remercia Denis pour la millième fois d’avoir veillé sur Michelle avec une régularité de métronome. Denis ne répondit rien à cette remarque, trop heureux d’aider, trop heureux aussi d’avoir pu voir Élisabeth et d’avoir pu l’entendre jouer avec Florence lors de ses visites.Il demanda, espérant ne pas être indiscret, où était la mère de Florence. Élisabeth haussa les épaules et hocha la tête. Elle avait cru comprendre, en rapiéçant les morceaux de conversation décousue de la grand-mère, que Florence était orpheline de père, celui-ci étant décédé accidentellement avant d’avoir vingt-cinq ans, et que sa mère en avait, pour ainsi dire, perdu la raison. Elle devait être hospitalisée quelque part, à Saint-Jean-de-Dieu ou ailleurs.
    – Quel drame!
    – Je n’en aime Florence que davantage. Quand je pense que sa pauvre mère ne l’entendra jamais. Être mère d’un génie et l’ignorer…
    Ils se turent et regardèrent encore le spectacle qu’offrait la ville, l’énorme gyrophare de l’édifice de la Sun Life, le pont Jacques-Cartier dont le tablier semblait franchir une partie du fleuve sur la pointe des pieds, le pont Victoria qu’Élisabeth revoyait toujours avec émotion, puisqu’il était le tapis que Montréal avait déroulé pour les accueillir, Jan et elle.
    Élisabeth annonça à Denis qu’elle allait déménager et qu’elle s’était cherché un logement convenant à ses besoins et à sa bourse. Denis l’écouta, sans poser de questions, pour enfin lui faire une offre.
    – Je regrette que mes logements sur Saint-Joseph soient tous loués. Ça aurait été bien pour toi. Juste au-dessus de ma clinique.
    – Tu as des logements? Je pensais que tu louais le sous-sol pour ta clinique…
    – Non, c’est un héritage de mon
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