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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus
Autoren: Arlette Cousture
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un héritage familial? Sans doute. Mon père ayant travaillé à l’immigration au Canadien National, à la Société pour Immigrants catholiques, à la Société canadienne d’Immigration rurale, et, au gouvernement du Québec, à la mise sur pied du ministère del’Immigration au début des années 60, j’ai été en contact très tôt avec des «néo-Canadiens». Interdiction, à la maison, de les nommer «immigrants», appellation jugée péjorative. Donc, nous avons souventes fois accueilli des néo-Canadiens à la maison, pour une soirée ou une fête champêtre, ou pour les accompagner à la campagne où ils allaient se choisir une terre. Il y a eu Andrew, qui venait d’Angleterre, et, en 1956, Grégoire, un Hongrois dont la famille avait été parrainée par la mienne. Je me souviens très bien de Grégoire parce qu’il portait des verres – comme je l’enviais! – et parce que sa mère avait reçu en cadeau notre beau batteur à œufs à poignée rouge – comme je lui en voulais! J’ai aussi fréquenté une colonie de vacances, à Huberdeau, réservée exclusivement aux enfants des nouveaux arrivants... et à moi – aurais-je été un tantinet privilégiée?
    Et le temps a passé et la tornade des
Filles de Caleb
m’a aspirée dans son œil. Pendant les années consacrées à l’écriture de ce premier roman, plusieurs fois je me suis fait la promesse que le suivant – ou très certainement l’autre après – raconterait des vies d’immigrés. Pourtant, après la publication du tome II des
Filles de Caleb, Le Cri de l’oie blanche
, j’entrepris, plus que sérieusement, deux romans qui n’avaient aucun rapport avec cet univers:
Fait d’hiver
et
William le Conquérant
. Et je commis l’erreur de les annoncer! L’abandon du premier et la mise en attente du second ont donc davantage ressemblé à des deuils qu’à des avortements.
    Au début de 1989, Daniel, mon alter ego, rentra un beau soir en me racontant une petite histoire survenue en Hongrie en 1956. L’histoire d’un père qui,au moment de l’insurrection qui fut réprimée par les troupes soviétiques, conduisit ses enfants à la frontière et les obligea à la franchir, seuls, pour aller vers la liberté... et le Canada. Il n’en fallut pas plus pour que renaisse mon envie de parler de néo-Canadiens. À nous deux, nous avons commencé à rêver à une télésérie, puis à y travailler. La maison s’est rapidement emplie de traités sur la Pologne et son histoire contemporaine. Pourquoi la Pologne? Parce que les Polonais, forts d’une riche tradition francophile, ont aussi combattu sous commandement britannique pendant la Deuxième Guerre mondiale, ce qui donnait toute sa vraisemblance à l’intégration simultanée de membres d’une même famille aux deux communautés linguistiques du Canada. Ensemble, Daniel et moi avons imaginé une famille aimant la musique, formée de Tomasz Pawulski, de Zofia Pawulska et des enfants Pawulscy (car en polonais les noms de famille ont un masculin, un féminin et un pluriel). Ensemble, nous avons fait des recherches sur la guerre en Europe, sur le Canada d’après-guerre, sur les conditions d’arrivée des immigrants et sur la manière dont ils étaient accueillis...
    Puis notre expédition a changé de cap: une télésérie peut-être, mais d’abord et avant tout un roman. Notre catamaran s’est scindé et j’ai poursuivi en solitaire un voyage dans l’espace et dans le temps. Une grossesse de deux ans sur une mer parfois déchaînée, parfois huileuse, mais avec une bonne radio qui me permettait de parler au «père» quand j’avais peur des vents ou des remous...
    Daniel n’est pas le père de tous les personnages de ce roman, mais il les a adoptés tous. Il a adopté
Herr
Schneider, Étienne, M. Jaworski, Florence, lesDupuis... Il n’a pas non plus écrit une seule ligne du roman, mais il m’a obligée à faire quelques précisions historiques...
    À Mirabel, j’étais en larmes, inconsolable. Daniel était parti. «Je pars avec tes yeux», m’avait-il dit. Juste avant que je n’arrive au port, il avait fallu que nous embarquions de nouveau dans un catamaran. Il est revenu avec des centaines de photos, des plans détaillés de Cracovie et de la Pologne – certains en trois dimensions.
    Et, de ses poches, il a sorti en souriant un petit cadeau, trouvé chez un antiquaire de Cracovie: une vieille paire de lunettes de broche qui me regardent depuis ce jour, véritables
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