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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française
Autoren: Eric Zemmour
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évoque incontinent la prise de Rome par les barbares.
    L’assimilation de notre pays à l’Empire romain paraît incongrue à nos contemporains, voire ridicule. Nous préférons depuis plus d’un siècle nous référer à nos « ancêtres les Gaulois ». Sur le mode savant au XIX e siècle, parodique aujourd’hui. La « grande nation » française porta pourtant longtemps la haute ambition de donner la « paix romaine » à l’Europe. Ses héritiers ne veulent plus le savoir. Ils l’ignorent ou en ont honte. S’identifient désormais au « petit village gaulois qui résiste encore et toujours à l’envahisseur ». Moqueur et gouailleur. Irréductible, mais acceptant finalement sa soumission au maître admiré autant que brocardé. Le maître d’un Empire qui nous paraît lointain, étranger.
    La conquête de la Gaule par Jules César transforma pourtant l’Empire romain radicalement, le décentra vers le nord, lui ouvrit d’autres horizons maritimes que la Mare nostrum , le conduisit jusqu’aux îles Britanniques. Ainsi débuta son face-à-face séculaire avec les Germains, entre confrontation, assimilation, fascination. Le destin de la France était donc inscrit dans ce basculement vers le nord, dans cette rencontre prometteuse entre deux mondes, dans cet équilibre instable et fécond entre le Nord et le Sud, entre la fureur et l’ordre, entre la force et la loi, entre droit coutumier et droit écrit, entre langue d’oïl et langue d’oc, entre la famille sous l’autorité du pater familias et la tribu germanique plus égalitaire, mais proche encore des solidarités claniques.
    La France serait cette synthèse toujours au bord de la rupture, ce rassemblement toujours défait, ce produit de la volonté politique, cette rencontre inespérée de l’histoire et de la géographie, cette nostalgie d’empire, d’unité, et de grandeur. Cet improbable « agrégat de peuples désunis » qui aurait pu – aurait dû – rester dans les limbes de l’histoire, mais s’avéra le vainqueur inattendu des deux autres ensembles politiques initialement dotés de bien meilleurs atouts.
    Un royaume franco-anglais d’abord, avec la Manche comme lac intérieur, de l’Écosse aux Pyrénées, dont les deux pôles Londres et Bordeaux mettaient en branle une formidable dynamique marchande et maritime, la première puissance de l’Atlantique bien avant le Royaume-Uni et les États-Unis, le royaume rêvé et forgé par Henri Plantagenêt, très sérieusement envisagé pendant tout le Moyen Âge, enjeu tardif et déjà suranné de la guerre de Cent Ans, et dont l’écho mélancolique perce encore dans l’offre mirobolante d’union des deux pays par Churchill le 10 juin 1940.
    Un royaume d’Aragon ensuite, empire méditerranéen qui serait allé de l’Èbre aux Alpes, aurait attiré à lui ce comté de Toulouse, si proche géographiquement et de l’Aragon et de la Catalogne, uni culturellement par la langue d’oc.
    Le sort se joua en deux coups de dés successifs. À la bataille de Muret, en 1213, la victoire de Simon de Montfort sur les Albigeois assura la domination du roi de Paris sur le comté de Toulouse ; en 1214, à la bataille de Bouvines, Philippe Auguste réglait son compte à la coalition qui l’assaillait, et ruinait l’empire anglo-français en gestation.
    Cet ensemble français du hasard et de la nécessité était issu de la matrice romaine et ne rêvait que d’y revenir.
    « Entre le bassin de Paris et celui de Londres, entre la Lorraine et la Souabe, les différences sont moindres, au point de vue géographique, qu’entre ces contrées et nos provinces méditerranéennes. Que néanmoins cette combinaison l’ait emporté, c’est un indice de développement précoce, de participation très ancienne à la vie générale qui avait alors pour foyer la Méditerranée » (Vidal de La Blache).
    L’Empire, c’est la paix. Près de quatre siècles sans guerre, ce territoire conquis par Jules César ne connaîtra plus jamais une période si longue de paix. De quoi oublier et pardonner la féroce répression qui suivit la défaite de Vercingétorix, les massacres, l’esclavage, les spoliations des meilleures terres.
    Et retenir à tout jamais les leçons dispensées par le colonisateur, ainsi que le conte le général de Gaulle, dans sa célèbre ouverture de La France et son armée :
    « La France fut faite à coups d’épée. Nos pères entrèrent dans l’histoire avec le glaive de Brennus. La
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