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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française
Autoren: Eric Zemmour
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fureur des Gaulois s’était brisée contre l’art des légions. En jetant ses armes aux pieds de César, Vercingétorix entendait, certes, parer d’un sombre éclat le deuil de l’indépendance. Peut- être voulait-il aussi que cet hommage désespéré servît à sa race d’immortelle leçon. Le vainqueur se chargea, du reste, de développer l’enseignement, et tandis que, pendant cinq cents ans, Rome imprimait dans nos lois, nos mœurs, notre langue, comme dans nos monuments, routes et travaux d’aménagement, la marque de la règle et de l’autorité, elle révélait à vingt générations l’esprit de la puissance militaire. De là, l’idéal ou la nostalgie d’un État centralisé et d’une armée régulière, idéal que les Barbares n’effacèrent point et qui survécut aux vicissitudes. »
    Les Gallo-Romains découvrirent cependant un jour que les empires sont mortels. Leur disparition entraîne destructions, massacres, pillages, misère, épidémies. Invasions à répétition. Ultime leçon des maîtres romains qu’ils n’oublieront pas.
    Ils ne furent pas les seuls. Dans la mémoire collective du continent européen, la chute de l’Empire est sans doute plus prégnante que l’Empire lui-même. Une inexpugnable nostalgie pour l’unité originelle survécut à toutes les allégeances postérieures pourtant si glorieuses. De même, si les Juifs doivent sans doute leur destin exceptionnel à l’exil, ils ont toujours gardé Jérusalem au cœur.
    Les candidats à la réunification furent nombreux. Ce fut le trop-plein. La religion et la politique débordèrent l’histoire et la géographie. Le pape s’affirma l’héritier d’une Rome chrétienne et universelle ; les « barbares allemands » qui avaient passé le limes et détruit l’Empire voulurent en profiter pour unifier tout le continent eurasien. Même Moscou touché tardivement par le christianisme s’autoproclama troisième Rome.
    Le barbare franc sera à la fois le plus modeste et le plus ambitieux. C’était un parvenu qui avait de la suite dans les idées : « Il s’avance, nouveau Constantin, vers la piscine pour se guérir de la maladie d’une vieille lèpre et pour effacer avec une eau fraîche les sales taches faites anciennement. Lorsqu’il y fut entré pour le baptême, le saint de Dieu – l’évêque Rémi de Reims – l’interpella d’une voix éloquente : "Dépose humblement tes colliers Sicambre ! Adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré !" »
    De ce récit écrit plusieurs siècles après l’événement par Hincmar, le successeur de Rémi à Reims, la postérité a retenu la formule flamboyante et impérieuse adressée au fier Sicambre. Je noterai plutôt la référence sous forme d’évidence à Rome et au premier empereur christianisé : Constantin.
    L’ambitieux chef franc, nommé par Rome en pleine décadence gouverneur de la Belgique seconde, porta tout de suite ses yeux vers le sommet. Remplacer ses anciens patrons, devenir empereur romain, le nouveau Constantin, fut son immédiat credo. Il s’installa dans ce palais de la Cité qu’avait habité l’un des derniers grands empereurs romains du IV e siècle, Julien l’Apostat, au cœur de sa chère Lutèce où ses soldats l’avaient hissé sur le pavois impérial.
    Avec un sens politique admirable, Clovis prit sans coup férir les seules décisions politiques qui lui donnèrent une avance décisive sur ses rivaux barbares : s’appuyer sur la dernière institution solide dans un univers en déliquescence, l’Église ; s’allier à la bourgeoisie gallo-romaine grâce à la victoire de Vouillé de 507 sur les Wisigoths ; appliquer le droit romain écrit, alors que ses collègues barbares demeuraient adeptes de la tradition juridique orale. Un sans-faute. D’emblée, Clovis imposait à la France, et à ses rois, un objectif historique unique : devenir le nouvel Empire romain.
    Avec Charlemagne, empereur d’Occident, sacré à Rome par le pape, on crut toucher au but. Le nouveau Constantin n’était autre que le petit-fils du dernier maire du palais des héritiers de Clovis. Son sceau représentait à son revers les portes de Rome, sur lesquelles était inscrit : « Renovatio Romani Imperii ». Comme Clovis, Charlemagne prit le nom d’Auguste.
    Entre les deux hommes, presque trois siècles avaient passé ; le contexte géostratégique avait été bouleversé par l’irruption des cavaliers musulmans au sud de la Méditerranée,
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