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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française
Autoren: Eric Zemmour
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fonction publique.
    Le traité de Westphalie de 1648 donnait les clefs de l’Europe à la France. C’est alors que l’historien britannique Eric Hobsbawn situe la naissance d’une « Europe consciente d’elle-même ». Mazarin en fut l’accoucheur hors pair. Un maestro italien, une régente espagnole, un enfant-roi français. Empire romain en vue. Mille ans d’efforts. L’essentiel était fait. Le rôle de Louis XIV ? Finir le travail. Trois fois rien. Des détails. Le diable est dans les détails.

Chapitre 2
Carthage
    Au moment où la France crut toucher au but, les règles du jeu changèrent. La quasi-simultanéité des dates est édifiante.
    En 1648, le traité de Westphalie assurait la domination française sur l’Europe continentale.
    En édictant son « Acte de navigation » en 1651, l’Angleterre se donnait les moyens de sa domination sur les mers.
    À partir de 1648, la France de Richelieu et de Mazarin est la première puissance démographique, militaire, culturelle. Son État est un modèle pour tous les souverains européens. Louis XIV sera le père de tous les despotes éclairés du XVIII e comme l’État-nation, né de la Révolution française, sera la mère de toutes les nations européennes continentales. Lorsque Pierre le Grand découvre Paris, en 1718, dans un voyage conté par Saint-Simon comme celui de l’ogre aux bottes de sept lieues de son contemporain Perrault, l’autocrate entreprend deux pèlerinages ; l’un chez Mme de Maintenon, qu’il n’hésite pas à visiter dans sa chambre, alors que, malade, la vieille relique bigote ne quitte plus son lit ; et de la toucher, de lui baiser les mains, comme une icône orthodoxe ; puis le géant russe se rend sur la tombe de Richelieu, et s’écrie : « Grand homme, je t’aurais donné la moitié de mon empire pour apprendre de toi à gouverner l’autre. »
    La France a la vocation très consciente à partir de Louis XIV d’unifier l’Europe autour d’elle. Le mythe de la paix romaine nourrit la monarchie française à travers les tableaux, tapisseries, odes, poèmes, tragédies qui tissent une gloire qu’elle croit éternelle.
    Par l’édit de navigation de 1651, l’Angleterre déclara que tout son trafic maritime serait strictement réservé à ses propres navires ; cette mesure provoqua la guerre avec la Hollande qui contrôlait alors une grande partie du trafic international et même du cabotage anglais. La Royal Navy vainquit. L’Angleterre s’arrogea alors le droit inouï de contrôler toutes les routes maritimes, bafouant « les droits maritimes les plus anciens, les plus essentiels et les plus incontestables ».
    À partir de ce moment-là, tout le trafic anglais avec ses colonies ne put se faire que sur des navires anglais, avec équipages aux trois quarts anglais – et toutes les importations britanniques ne purent accoster les côtes anglaises que sur des navires battant pavillon anglais. Ce corset réglementaire et protectionniste est à l’origine de la puissance de l’Angleterre. Par son acte de navigation, l’Angleterre ne respectait pas la liberté des mers, et s’arrogeait le pouvoir de contrôler tout navire qui ne respectait pas la réglementation britannique.
    Il a donc suffi de trois petites années pour que la nouvelle Rome ait trouvé sa Carthage. Celle-ci retourne bientôt l’antique imprécation : il faut détruire Rome. L’Angleterre commence en effet une nouvelle « guerre de Cent Ans » contre la France : sept guerres de 1689 à 1815 !
    Si la découverte de l’Amérique avait changé le destin de l’Angleterre, la mettant au cœur du prometteur commerce transatlantique, les révolutions de 1648 et 1689 furent le préalable politique à sa mise en orbite économique. Reflétant successivement la République et la Monarchie absolue, les deux régimes français par excellence, l’Angleterre établit, plus d’un siècle avant la France, sa monarchie de Juillet. La branche cadette remplaça l’aînée des Stuart, et mit en place un régime parlementaire et aristocratique, où le roi règne mais ne gouverne pas, et où le suffrage censitaire protège les intérêts de « quinze cent cinquante mille égoïstes » (Talleyrand). L’épisode Cromwell permit à un « establishment » anglais ouvert de trouver dans la fureur divine de l’Ancien Testament la nécessaire bénédiction à ses prosaïques affaires. C’est le règne de la liberté qui s’instaure, à l’abri de la tutelle
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