Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin
Autoren: Ernest Capendu
Vom Netzwerk:
prêté l’oreille, ce sont les âmes de la baie des Trépassés qui demandent des prières !…
    Marcof, lui aussi, avait sans doute reconnu un bruit nouveau se mêlant à l’assourdissant tapage de la tempête déchaînée, car il porta vivement un sifflet d’argent à ses lèvres et il en tira un son aigu. Bervic accourut. Le patron délia la corde qui l’attachait à Yvonne, et remettant la barre du gouvernail entre les mains du matelot :
    – Gouverne droit, dit-il, évite les courants, toujours à bâbord, et toi, ma fille, continua-t-il en se retournant vers Yvonne, demeure au pied du mât. Sur ton salut, ne bouge pas !… Que je te retrouve là au moment du danger ! Seulement, appelle le ciel à notre aide ! Sans lui, nous sommes perdus !
    La jolie Bretonne se prosterna, et ôtant la petite croix d’or qu’elle portait à son cou, elle la baisa pieusement et commença une ardente prière. Jahoua, agenouillé à côté d’elle, joignit ses prières aux siennes.
    Marcof s’était élancé dans la mâture. À cheval sur une vergue, balancé au-dessus de l’abîme, il tira de sa poche une petite lunette de nuit et interrogea de nouveau l’horizon. Malgré le puissant secours de cette lunette, il fallait l’œil profond et exercé du marin, cet œil habitué à percer la brume et à sonder les ténèbres, pour distinguer autre chose que le ciel et l’eau. À peine la masse des nuages, paraissant plus sombre sur la droite du lougre, indiquait-elle l’approche de la terre.
    – Ces feux nous perdront ! murmura Marcof. Le Jean-Louis a doublé Penmarckh, et il court sur la baie des Trépassés.
    Cette baie des Trépassés, dont le nom seul suffisait pour jeter l’épouvante dans l’âme des marins et des pêcheurs, était une petite anse abrupte et sauvage, vers laquelle un courant invincible emportait les navires imprudents qui s’engageaient dans ses eaux. Elle avait été le théâtre de si nombreux naufrages, on avait recueilli tant de cadavres sur sa plage rocheuse, que son appellation sinistre était trop pleinement justifiée. La légende, et qui dit légende en Bretagne, dit article de foi, la légende racontait que lorsque la nuit était orageuse, lorsque la vague déferlait rudement sur la côte, on entendait des clameurs s’élever dans la baie au-dessus de chaque lame. Ces clameurs étaient poussées par les âmes en peine qui, faute de messes, de prières et de sépultures chrétiennes, étaient impitoyablement repoussées du paradis, et erraient désolées sur cette partie des côtes de la Cornouaille. Un navire eût mieux aimé courir à une perte certaine sur les rochers de Penmarckh que de chercher un refuge dans cette crique de désolation.
    En constatant la direction prise par son lougre, Marcof ne put retenir un mouvement de colère et de désespoir. À peine eut-il reconnu les côtes que, s’abandonnant à un cordage, il se laissa glisser du haut de la mâture.
    – Aux bras et aux boulines ! commanda-t-il en tombant comme une avalanche sur le pont, et en reprenant son poste à la barre. Pare à virer ! Hardi, les gars ! Notre-Dame de Groix ne nous abandonnera pas ! Allons, Jahoua ! tu es jeune et vigoureux, va donner un coup de main à mes hommes.
    La manœuvre était difficile. Il s’agissait de virer sous le vent. Une rafale plus forte, une vague plus monstrueuse prenant le navire par le travers opposé, au moment de son abattée, pouvait le faire engager. Or, un navire engagé, c’est-à-dire couché littéralement sur la mer et ne gouvernant plus, se relève rarement. Il devient le jouet des flots, qui le déchirent pièce à pièce, sans qu’il puisse leur opposer la moindre résistance.
    Le Jean-Louis , néanmoins, grâce à l’habileté de son patron et à l’agilité de son équipage, sortit victorieux de cette dangereuse entreprise. Le péril n’avait fait que changer de nature, sans diminuer en rien d’imminence et d’intensité. Il ne s’agissait pas de tenir contre le vent debout et de gagner sur lui, chose matériellement impossible ; il fallait courir des bordées sur les côtes, en essayant de reprendre peu à peu la haute mer. Malheureusement, la marée, la tempête et le vent du sud se réunissaient pour pousser le lougre à la côte. En virant de bord, il s’était bien éloigné de la baie des Trépassés ; mais il s’approchait de plus en plus des roches de Penmarck. Déjà la Torche, le plus avancé des brisants, se détachait
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher