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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin
Autoren: Ernest Capendu
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comme un point noir et sinistre sur les vagues.
    Marcof avait fait carguer ses huniers, sa misaine, ses basses voiles. Le Jean-Louis gouvernait sous ses focs. Des fanaux avaient été hissés à ses mâts et à ses hautes vergues.
    Yvonne priait toujours. Jahoua avait repris sa place auprès d’elle. L’équipage, morne et silencieux, s’attendait à chaque instant à voir le petit bâtiment se briser sur quelque rocher sous-marin.
    – Jette le loch ! ordonna Marcof en s’adressant à Bervic.
    Celui-ci s’éloigna, et, au bout de quelques minutes, revint près du patron.
    – Eh bien ?
    – Nous culons de trois brasses par minute, répondit le vieux Breton avec cette résignation subite et ce calme absolu du marin qui se trouve en face de la mort sans moyen de l’éviter.
    – À combien sommes-nous de la Torche ?
    – À trente brasses environ.
    – Alors nous avons dix minutes ! murmura froidement Marcof. Tu entends, Yvonne ? Prie, ma fille, mais prie en breton ; le bon Dieu n’entend peut-être plus le français !…
    Un silence d’agonie régnait à bord. La tempête seule mugissait.
    La voix de la jeune fille s’éleva pure et touchante, implorant la miséricorde du Dieu des tempêtes. Tous les matelots s’agenouillèrent.
    – Va Doué sicourit a hanom, commença Yvonne dans le sauvage et poétique dialecte de la Cornouaille ; va vatimant a zo kes bian ag ar mor a zo ker brus {1}  !
    – Amen ! répondit pieusement l’équipage en se relevant.
    – Un canot à bâbord ! cria brusquement Bervic.
    Tous les matelots, oubliant le péril qui les menaçait pour contempler celui, plus terrible encore, qu’affrontait une frêle barque sur ces flots en courroux, tous les matelots, disons-nous, se tournèrent vers la direction indiquée.
    Un spectacle saisissant s’offrit à leurs regards. Tantôt lancée au sommet des vagues, tantôt glissant rapidement dans les profondeurs de l’abîme, une chaloupe s’avançait vers le lougre, et le lougre, par suite de son mouvement rétrograde, s’avançait également vers elle. Un seul homme était dans cette barque. Courbé sur les avirons, il nageait vigoureusement, coupant les lames avec une habileté et une hardiesse véritablement féeriques.
    – Ce ne peut-être qu’un démon ! grommela Bervic à l’oreille de Marcof.
    – Homme ou démon, fais-lui jeter un bout d’amarre s’il veut venir à bord, répondit le marin, car, à coup sûr, c’est un vrai matelot !
    En ce moment, une vague monstrueuse, refoulée par la falaise, revenait en mugissant vers la pleine mer. Le canot bondit au sommet de cette vague, puis, disparaissant sous un nuage d’écume, il fut lancé avec une force irrésistible contre les parois du lougre.
    Un cri d’horreur retentit à bord. La barque venait d’être broyée entre la vague et le bordage. Les débris, lancés au loin, avaient déjà disparu.
    – Un homme à la mer ! répétèrent les matelots.
    Mais avant qu’on ait eu le temps de couper le câble qui retenait la bouée de sauvetage, un homme cramponné à un grelin extérieur escaladait le bastingage et s’élançait sur le pont.
    – Keinec ! s’écrièrent les marins.
    – Keinec ! fit vivement Marcof avec un brusque mouvement de joie.
    – Keinec ! répéta faiblement Yvonne en reculant de quelques pas et en cachant son doux visage dans ses petites mains.
    Jahoua seul était demeuré impassible. Relevant la tête et s’appuyant sur son pen-bas, il lança un regard de défi au nouveau venu. Celui-ci, jeune et vigoureux, ruisselant d’eau de toute part, ne daigna pas même laisser tomber un coup d’œil sur les deux promis. Il se dirigea vers Marcof et il lui tendit la main.
    – J’ai reconnu ton lougre à ses fanaux, dit-il lentement ; tu étais en péril, je suis venu.
    – Merci, matelot ; c’est Dieu qui t’envoie ! répondit Marcof. Tu connais la côte. Prends la barre, gouverne et commande !
    – Un moment ; j’ai mes conditions à faire, murmura Keinec. Une fois à terre, jure-moi, si j’ai fait entrer le Jean-Louis dans la crique, jure-moi de m’accorder ce que je te demanderai.
    – Ce n’est rien contre le salut de mon âme ?
    – Non.
    – Eh bien ! je le jure ! Ce que tu me demanderas je te l’accorderai.
    Keinec prit le commandement du lougre. Avec une intrépidité sans bornes et une sûreté de coup d’œil infaillible, il fit courir une nouvelle bordée au bâtiment, et il s’avança droit
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