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Galaad et le Roi Pêcheur

Galaad et le Roi Pêcheur

Titel: Galaad et le Roi Pêcheur
Autoren: Jean Markale
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INTRODUCTION
    L’Héritage de Merlin
     
    En apparence, le royaume d’Arthur est établi sur des fondations solides. Personne ne songerait à contester l’autorité d’Arthur administrant ce monde terrestre à l’image d’une cité céleste et dont le symbole le plus éclairant est la permanence de la Table Ronde. Laquelle, tout en rassemblant les plus valeureux guerriers, tout en leur imposant la plus absolue solidarité, dans la plus totale confraternité, n’en laisse pas moins chacun d’eux paradoxalement libre et indépendant, responsable à titre individuel de ses propres actes, quels qu’ils soient, bons ou mauvais, positifs ou négatifs, glorieux ou déshonorants. Chaque pièce est en place sur l’échiquier. Le roi trône au milieu de ses cavaliers, de ses fous et de ses hommes d’armes ; simples pions que l’on déplace à loisir. Les tours sont là pour veiller aux frontières. Reste la reine, omniprésente, et, en fin de compte, toute-puissante, qu’elle ait nom Guenièvre, Morgane, ou la Vierge Marie. Elle seule pourra se déplacer sur l’échiquier au mépris de la logique et des lois en vigueur, car tout est permis à la Femme qui représente l’ensemble de la collectivité.
    Étrange collectivité d’ailleurs, mais sans doute à l’image de l’humanité, avec ses rivalités internes, ses intrigues, ses jalousies, ses fantasmes et ses espérances constamment déçues ou reportées vers un avenir incertain ! Oui, tout est en place, tout est stable, aussi stable que le clan adverse, sur l’échiquier. Mais comme ils sont trompeurs, ces dehors ! Un souffle de vent suffirait à ébranler tout ce bel édifice.
    Car quelque chose mine de l’intérieur la société arthurienne, une blessure jamais guérie, une blessure que symbolise le coup douloureux porté jadis par le chevalier Balin à Pellès, le Roi Pêcheur {1} . Coup douloureux entre tous, à la suite duquel Balin et son frère Balan trouvèrent la mort en s’entre-tuant au cours d’un combat, faute de s’être reconnus. Depuis lors – voire bien auparavant –, le Roi Pêcheur souffre d’une blessure incurable, et son royaume, devenu stérile, a pris le nom de « Terre Foraine » ou de « Gaste Forêt ». Et chacun, dans ce royaume en perdition comme dans le royaume d’Arthur dont il n’est que la métaphore, attend le moment béni où le Bon Chevalier survenu guérira le vieux roi malade et impuissant et rendra par là même vitalité à cette terre frappée de malédiction.
    Merlin l’avait en effet prédit : un jour, les compagnons de la Table Ronde devraient accomplir la mission suprême de délivrer les terres du Roi Pêcheur de la malédiction qui pèse sur elles, guérir le vieux souverain blessé et contempler la coupe sacrée qu’on appelle le Graal. En vérité, n’était-ce pas là, de l’aveu même de Merlin, l’objectif essentiel de la Table Ronde ? N’est-ce pas dans ce but qu’avec Uther Pendragon d’abord, puis avec Arthur, il l’a instituée, à l’image de la Table du Graal, celle-ci n’étant elle-même qu’une réplique de la Cène ? Ainsi se voyaient définies trois étapes : celle de la chevalerie terrestre, celle de la chevalerie célestielle et celle de la chevalerie divine. La mission des compagnons d’Arthur est claire : atteindre au divin par l’épreuve. Mais les temps annoncés par Merlin tardant à venir, la lassitude, voire le doute, ont progressivement dévoyé les chevaliers vers la routine d’aventures vaines et stériles.
    La chevalerie, qu’elle soit réelle, historique, inscrite dans les faits, ou bien idéale, strictement imaginaire comme dans les romans de la Table Ronde, ne se justifie que par le service , un triple service en l’occurrence : celui du seigneur, celui de la Dame, épouse du seigneur, et celui de Dieu. Il s’agit évidemment là d’une justification idéologique et qui, en tant que telle, est entachée de mensonge et de duplicité : la chevalerie, n’en déplaise aux nostalgiques d’un passé qui n’a jamais existé, est seulement un pis-aller, la récupération d’énergies belliqueuses que l’on oriente artificiellement vers un but proclamé sacré. On le sait pertinemment, les chevaliers du Moyen Âge n’étaient qu’une bande d’aventuriers, généralement issus de grandes familles mais, puînés ou cadets, donc « sans terre », et cherchant par tous les moyens à se faire attribuer des fiefs qui leur permissent de
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