Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle
Autoren: Jacqueline Duchêne
Vom Netzwerk:
à l'oreille mot à mot sa conversation avec le roi, se fâcha, lui chanta pouilles et la traita de grosse tripière et de bougresse de putain. Pas étonnant qu'elle ait rejoint le camp de ceux qui s'opposaient à notre mariage...
    Depuis l'emprisonnement de Lauzun, la Montespan me répétait souvent :
    — Je le vois, vous êtes malheureuse. Il me passe beaucoup de choses dans la tête dont je n'ai pas le loisir de vous entretenir. Mais songez vous-même à ce que vous pourriez faire d'agréable au roi afin qu'il vous accorde le retour de celui qui vous tient à cœur.
    Elle me louait beaucoup, m'offrait des parfums. Comme j'avais remarqué lors d'une loterie chez la reine une petite coupe d'or à mettre sur une table de toilette, elle me la fit porter le soir même par Louis-Auguste. Pour medivertir, elle amenait souvent l'enfant chez moi. Le pauvre petit avait un joli visage mais il était horriblement boiteux, malgré les soins des médecins et les cures à Barèges avec la vigilante Maintenon. À la suite de convulsions, on disait qu'une de ses jambes s'était raccourcie.
    Le temps passait. J'atteignis les cinquante ans. Inlassablement l'intrigante faisai : mon siège. Un jour, elle me demanda de faire de son fils mon héritier. Je crus avoir mal compris, et je me tus. A ma grande surprise, elle me le redemanda quelques mois plus tard.
    Le roi aimait tendrement cet enfant, m'assurait-elle. Il constatait qu'il était plus intelligent que le dauphin. Il l'avait fait colonel des Suisses à l'âge de trois ans. Il le titrerait sans tarder. Un titre, c'était bien mais pas suffisant. Il fallait des revenus pour aller avec. Si je le désignais comme mon héritier, le roi ne pourrait ensuite plus rien me refuser.
    Je ne fis guère attention à son discours. Un testament, oui, peut-être. Mais je n'en étais pas encore là... Je n'avais rien compris à la manœuvre de Louis et de sa maîtresse.
    Lauzun seul me préoccupait, une maladie où il fut à l'extrémité, sa charge de capitaine des gardes, à laquelle il tenait tant et que mon cousin lui retira, son bras droit qu'il lui était, disait-on, impossible de bouger, la vaine intervention d'un ministre de Charles d'Angleterre qui s'étonnait que le roi traitât avec tant de dureté son ancien favori et la réponse de Louis : « Il n'est pas temps de finir sa peine. »
    Quand on permit à Lauzun d'envoyer des lettres et de recevoir la visite de sa sœur, jamais il ne m'écrivit, ni ne m'envoya de messages. Je tenais bon. Je me berçais d'illusions. Il me cache son chagrin, me disais-je. Il ne veut pas ajouter à l'étendue du mien.
    Pour le réconforter dans ses malheurs, je me décidai à lui faire un nouveau présent, celui du comté d'Eu. Lacoutume de Normandie m'interdisant cette donation, on fit une vente fictive. J'espérais que, dans le dénuement de sa prison, ce cadeau d'une grande valeur serait agréable au malheureux et me l'attacherait encore davantage. Ah, comme je le connaissais mal !
     
    Le manque où j'étais de Lauzun me minait. Toutes ces années, j'avais souvent le visage bouffi, les jambes et les mains enflées. Je craignais de devenir hydropique, pourtant mes médecins me rassuraient : c'étaient des vapeurs de rate causées par la mélancolie. Ils avaient raison. Présentement, à cinquante-sept ans, je ne m'en ressens plus. À force de trop sentir, on ne sent plus rien.
    Malgré mes maux, je m'obligeais à faire ma cour scrupuleusement, à suivre le roi dans ses voyages et ses campagnes militaires. Mais de l'humeur où je me trouvais, je détestais désormais ces fêtes, ces déplacements, la foule, les soldats, les villes conquises. Pour m'encourager à me parer, à tenir mon rang, à participer au tourbillon royal, je me disais : « Tant que Louis me voit, il ne peut oublier Lauzun. »
    Enfin, celui-ci reçut quelque adoucissement à sa prison et put manger et converser avec Fouquet, son compagnon d'infortune, autant qu'il le souhaitait. Quand on apprit que Mme Fouquet et sa plus jeune fille partaient séjourner à Pignerol, je me réjouis sottement de cette diversion à son ennui.
    On me cacha soigneusement ce qu'il advint là-bas, les intrigues des officiers, les soirées chez la femme du gouverneur de Pignerol, où l'on jouait gros et buvait ferme, les galanteries, les brouilleries. Assurément Lauzun était à son affaire.
    Je ne le savais pas, je ne voulais pas le savoir. Tout comme je voulus ignorer les scandaleuses cassettes
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher