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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle
Autoren: Jacqueline Duchêne
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jeta à mes pieds devant toute la cour.
    En privé, ce fut autre chose. Pas un geste, pas un mot de tendresse. Qu'avais-je imaginé de retrouver la douceur de ses caresses, de me sentir à nouveau emportée par la houle de son ardeur ?
    Ses reproches furent infinis. Je n'avais même pas réussi à lui faire rendre sa charge, criait-il. Je savais pourtant qu'il y tenait plus qu'à tout.
    La curieuse Montespan survint au beau milieu de la scène et ne put s'empêcher de critiquer Lauzun : « Quelle humeur vous prend ? Sans Mademoiselle, vous ne seriez jamais sorti de votre forteresse. »
    Ivre de déception, je m'en allai à Choisy. Il pouvait m'y retrouver s'il le voulait. Il se fit attendre quatre jours. À peine arrivé, il critiqua les rubans de couleur feu que je portais dans les cheveux.
    — Vous êtes trop vieille. Vous êtes ridicule avec ces rubans sur la tête. La reine en porte. Elle est tout aussi ridicule, et pourtant elle est plus jeune que vous.
    Il critiqua ensuite le domaine.
    — Un achat bien inutile. Il ne fallait ici qu'une petite maison à venir manger une fricassée de poulets et point pour y coucher. Ces terrasses vous ont coûté des sommes immenses. À quoi bon ? Vous auriez mieux employé cet argent en me le donnant.
    — Je vous en ai assez donné, répliquai-je sans pouvoir cette fois maîtriser ma colère. Pour que vous soyez content, et aussi pour racheter votre mauvaise conduite. Vous avez recommencé à jouer gros jeu, et, chaque fois que vous perdez, vous venez mendier auprès de mon intendant. Je ne l'ignore pas.
    Puis il voulut des diamants pour ses manchettes. Je me laissai fléchir et lui en fis porter quatre, fort beaux.
    — Tout le monde les a trouvés vilains, me déclara-t-il le surlendemain.
    — Prenez donc les mille pistoles qu'ils valent. Vous en trouverez d'autres à votre goût.
    — Je les ai trouvés, mais il me faudrait encore deux cents pistoles.
    Je les lui refusai. Il prit les mille pistoles et les perdit au jeu.
    Dès lors, ce ne furent qu'escarmouches déplaisantes et reproches venimeux. Il affectait de monter dans des carrosses de louage, de porter des vêtements en lambeaux, sous prétexte que je le laissais sans le sou, comme un gueux.
    Il obéissait à ses caprices, courtisant Mlle Fouquet sans retenue maintenant que le surintendant son père était mort. Les langues se déliaient. On me rapportait que, dès son arrivée à Bourbon, il avait retrouvé la demoiselle, qu'il se conduisait chez elle en pays conquis, lançant à son arrivée manteau et chapeau sur son lit, réclamant à grand bruit du café ou du chocolat.
    J'en avais assez des commérages. Ma confiance en lui était morte. Je fus forcée de m'avouer ce que je refusais farouchement de reconnaître, Lauzun ne m'avait jamais aimée. Il m'avait conquise pour me tenir à sa merci et n'avait accepté le projet de se marier avec moi que pour ma fortune. En vérité, je lu : faisais horreur.
    Voyant mon désarroi, Colbert me prit à part :
    — Je vous plains fort, Mademoiselle, d'avoir fait du bien à un homme qui vous est si peu reconnaissant et ne vous cause que du chagrin. Je crains qu'il ne change jamais. Peut-être serez-vous obligée de demander au roi qu'il le chasse, avec autant d'empressement que vous lui demandiez son retour à la cour.
    Bienfaisant Colbert ! Il était malade, il n'avait plus que quelques mois à vivre, il me mettait sur le bon chemin.
    Je réfléchis. Je n'avais pas besoin de mon cousin pour chasser l'ingrat de chez moi. Je pouvais le faire moi-même. Je ne supportais plus ses sautes d'humeur, ses mensonges, son hypocrisie, son amour de l'argent, son air ingrat et furieux en ma présence.
     
    Je l'ai convoqué au Luxembourg en mai, juste avant mon cinquante-septième anniversaire, il y a presque dix mois. À son air arrogant, je vis qu'il ne se doutait pas de ma résolution. Alors, abruptement, je lui ai demandé de ne plus se présenter devant moi.
    — Votre conduite est indigne, répliqua-t-il avec emportement. Vous m'avez coupé la gorge, vous avez ruiné ma fortune et prié le roi de m'exiler.
    — C'est faux, répondis-je avec calme. Le roi peut dire ce qu'il en est.
    Et je continuai avec fermeté :
    — Ma vie aurait été heureuse si je ne vous avais pas connu. Mais il vaut mieux tard que jamais. Adieu, Monsieur.
    Je sortis et attendis dans une chambre voisine. Il dut croire que je reviendrais. Au bout d'un moment, il était toujours là. Alors je revins
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