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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle
Autoren: Jacqueline Duchêne
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admirable de Lully, mon baladin d'autrefois, Lully dont on écrivait maintenant le nom avec un y, Lully qui avait fait carrière et dont la musique enchantait les oreilles du roi, donc de l'univers... J'y accompagnais la reine à chaque représentation et je laissais couler mes larmes.
    Comment imaginer la cruauté de Louis ? Le 25 novembre 1671 —je n'oublierai jamais cette date —, il exila Lauzun dans la forteresse de Pignerol, perdue dans les montagnes de Savoie, 'horrible prison dévolue aux pires criminels et où croupissait déjà l'ancien surintendant des Finances Fouquet.
    Jusque-là, je m'étais forcée d'espérer un revirement favorable de mon cousin. L'arrestation de Lauzun et sonemprisonnement me portèrent un coup fatal. Je ne le vis pas venir.
    Je m'étais réjouie à Pâques que le roi lui ait donné le gouvernement de Berry et proposé de le nommer maréchal de France. Louis, me disais-je, veut compenser le manquement à sa parole donnée. Je lui avais assez reproché ce manquement la fameuse nuit.
    Et je ne me tracassai pas quand il le menaça un peu plus tard de lui retirer sa charge de capitaine des gardes du corps. Pour lui attribuer une autre charge, sans doute... Après tout, il était toujours le favori du monarque. Que l'on prononçât souvent pour lui succéder le nom du maréchal de Luxembourg, l'horrible cancanier, aurait dû m'alerter.
    En réalité, submergée par la douleur de mon mariage rompu, je ne compris rien à la lutte sournoise et meurtrière que mena Louis contre Lauzun en cette année 1671.
    Il s'attendait à ce que le favori rendît les biens prodigieux que je lui avais si généreusement et si étourdiment abandonnés. Il fit certainement pression sur lui en ce sens. Et comme Lauzun, campé dans son bon droit, feignait de ne pas comprendre, il eut recours aux armes qu'il maniait avec une habileté suprême, la carotte et le bâton.
    Présentement, je suis capable d'imaginer le discours de Louis à Lauzun.
    — Je vous offre un gouvernement, je vous offre un maréchalat. Ce ne sont pas des compensations, comme le croit ma cousine. Il est des cas où un roi, s'il se veut vraiment le maître, n'a pas à se soucier de manquer à sa parole. Ce sont des faveurs, simplement. Pour que vous marchiez dans le sens que je souhaite. Mais attention ! Ne vous écartez pas de ce chemin, sinon je saurai sévir. Pour commencer, si vous ne rendez pas les biens accordés par Mademoiselle sur un coup de tête, je vous enfermerai dansune prison mille fois pire que la Bastille. Si vous ne comprenez toujours pas, je vous enlèverai votre charge.
    Marchandage, résistance, sanction, comme cela me paraît clair aujourd'hui ! Et l'insouciance de Lauzun, persuadé qu'avec mes millions — une partie seulement de mes millions — il ne craint plus rien, qu'il est au-dessus des lois ! Et la rage de Louis à le faire céder, à récupérer cette fortune, ce bien de famille !
    Je ne devinais rien alors, je subissais. Dire que j'ai tant pleuré en cette fin novembre 1671, ajoutant au chagrin de mon mariage rompu l'année précédente l'horrible chagrin de l'exil de celui que j' aimais.
    Je me souviens. Je sortais de table. En passant dans ma chambre, je vis Gillonne de Fiesque venir à moi et me dire :
    — M. de Lauzun...
    Je pensai qu'il m'attendait dans le petit salon et m'avançai, surprise et ravie qu'il voulût me rendre visite :
    — Je le croyais à Saint-Germain. Voilà bien de ses manières ! ajoutai-je en riant.
    — M. de Lauzun, reprit Gillonne avec embarras, M. de Lauzun est arrêté.
    On eût dit que le ciel rr e tombait sur la tête. La fièvre me prit. Cinq accès qui me tinrent longtemps au lit. Et m'évitèrent de me déranger pour les funérailles de ma belle-mère, qui mourut en mars.
    Que ne fis-je en revanche pour avoir des nouvelles de Lauzun ! Je ne pensais qu'à lui. Je soudoyais le jeune d'Artagnan qui l'avait accompagné là-bas, avec son oncle, le commandant du régiment des mousquetaires, et songeais en tremblant : « Écoute ce jeune homme, regarde-le. Il a eu la chance de voir Lauzun après toi. »
    Le prisonnier avait cru qu'on le menait à Lyon, à la prison d'État de Pierre-Encise. Arrivé là, il s'apprêta à direau revoir à son escorte. Quand il apprit que le voyage continuait et qu'on le menait à Pignerol, il s'écria : « Je suis un homme perdu. » Dix fois je fis recommencer le récit au jeune mousquetaire. Chaque fois il me tirait des
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