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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle
Autoren: Jacqueline Duchêne
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à lui et répétai de mon plus grand air :
    — Partez, Monsieur.
    Il déclara partout que je l'avais chassé comme un coquin.
     
    Ma souffrance, en le perdant pour jamais, est une chose à part dans ma vie. Sans exagération, ce qui s'appelle déchirer, couper, déplacer, arracher le cœur d'unepauvre créature, voilà ce que je ressentis à cette séparation. Ma douleur n'était pas médiocre et pourtant je réussis à l'exprimer. Mes efforts ne furent pas vains. Comme autrefois, l'écriture me sauva.
    Je ne vis pas, j'écris ma vie.
    Je fuis Choisy où je n'ai que de rares et mauvais souvenirs. Je n'aime guère le Luxembourg, où je repense trop souvent à mon père, mon père irrésolu, influencé par sa diablesse de femme, dressé contre moi...
    La présence de ma sœur aussi m'insupporte. Il est vrai qu'elle a pleuré la mort d'un fils unique après celle d'un mari. Était-ce une raison pour me tendre un traquenard en proposant à Condé d'acheter ses appartements du Luxembourg ?
    Une opération illégale d'ailleurs, car il lui fallait mon consentement pour vendre sa part du palais. Heureusement, le roi m'a interdit d'y donner la main. Aurais-je eu l'air maligne en cohabitant avec ce Condé qui me devait la vie et qui avait pensé briser la mienne en s'opposant farouchement à mon mariage avec Lauzun ?
     
    Le plus souvent je me réfugie à Eu avec mon écritoire et mes papiers. De mes fenêtres du premier, je regarde la mer.
    Quand je vois au loin les vagues déferler, la tempête les soulever, je suis heureuse. Je repense à la houle du château d'If, l'îlot perdu là-bas, à l'autre bout du royaume. Je repense à la vague qui m'emporta entre les bras de Lauzun.
    Je ne regrette rien, je ne désire rien, je me souviens simplement. Je regarde les flots monter et descendre, se gonfler et s'abattre sur le rivage, et je souris de mon amour tardif pour la mer. Je me moque à part moi de ma belle-mère.Elle s'était trompée une fois de plus, et son astrologue. Je n'avais rien à craindre de l'eau...
    Je n'ai jamais revu Claire. Elle habite à l'Arsenal avec Mlle d'Outrelaise. Toutes deux donnent le ton à la meilleure compagnie, brillent par leur élégance et leur esprit, et sont appelées partout les Divines.
    Charles est mort au début de ce mois. Je viens de l'apprendre et cela m'attriste. Je le revois grand, élégant, charmant parfois, muet souvent, jusqu'à l'insolence. Pourquoi l'ai-je méprisé ? Pourquoi fallait-il que l'on nous poussât de force dans les bras l'un de l'autre ? Si nous avions été libres de disposer de nous-mêmes, nous aurions pu être heureux. J'étais belle alors... Mais j'attendais trop de la vie. La gloire, l'amour. Je ne savais rien et je voulais tout.
    Je ne pouvais deviner non plus que mon cousin, l'enfant-roi que j'imaginais être un jour mon mari, deviendrait un monarque absolu, vindicatif, avide de mes fabuleux millions.
    Trêve de souvenirs... Les feuillets de mes mémoires se sont amoncelés peu à peu. Ils reposent maintenant en une liasse épaisse dans le coffre laissé par Claire à Saint-Fargeau quand elle m'abandonna pour rejoindre Gillonne à Paris. Ce coffre, orné de clous de cuivre selon un dessin floral, ne m'a jamais quitté depuis le départ de celle que j'appelais ma douce.
    Qui lira un jour ces mémoires, ce récit de mes exploits et de mes malheurs ? Je voudrais que mon cousin Louis en ait un jour connaissance pour qu'il mesure à quel point il m'a fait souffrir. Et je voudrais pourtant qu'il ne les ait jamais entre les mains, tant je suis sûre qu'il les détruirait sur-le-champ. Il craint trop pour sa gloire, il est trop rancunier, trop attaché à son autorité.
    Je n'ai pas eu le cœur de me séparer du Jeune Hommeau lézard. Il est là dans ma chambre, mais décroché, face au mur, invisible et malfaisant.
     
    Dans le désert où je suis, il n'y a que Dieu qui puisse m'apporter quelque consolation. Mais il veut que je sois à lui par la souffrance et ne me consolera donc pas.
    J'ai honte, il est vrai, de mon attachement passionné pour Lauzun, cet homme, petit par la taille comme par le caractère. Quand je me mis donnée à lui, j'ai fait à l'égard du Créateur comme on faisait autour de moi. On péchait, puis on se repentait sincèrement, quitte à pécher de nouveau. Ma tante, la reine, n'en a-t-elle pas usé ainsi jusqu'à la mort de Mazarin ? Et c'est après une confession et un repentir des plus sincères que Louis ne put s'empêcher de
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