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Madame Catherine

Madame Catherine

Titel: Madame Catherine
Autoren: Franck Ferrand
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son échelle : un allié.
    Le cardinal entrait volontiers dans ce jeu. Dès qu’il avait appris, par un courrier de Romorantin, sa chute de cheval et sa fracture à la jambe, il s’était mis en frais de billets alarmés, réclamant des nouvelles tous les jours et affectant de se régler sur l’horaire des messagers. La duchesse, sans être tout à fait dupe, feignait de croire à ces protestations de sympathie ; et quand elle se trouva suffisamment remise pour tenter, en litière, le voyage d’Anet, elle fit savoir à ce bon ami que sa visite, avant toute autre, lui serait d’un chaud réconfort. Aussi le cardinal se mit-il en route avant même qu’elle ne fût à demeure, et manqua-t-il de peu d’arriver le premier.
    — Je m’en serais voulu, dit-il sur un ton badin, de manquer cette occasion de vous revoir avant Sa Majesté elle-même ! Rendre le roi jaloux : n’est-ce pas là un motif de disgrâce ?
    — En ce cas je veux bien partager votre exil, repartit Diane.
    Ils inspectaient, portés tous deux en chaise à bras, le chantier de la chapelle que Philibert de L’Orme édifiait, à Anet, le long du vieux manoir des Brézé.
    — Que vous semble de ces pilastres ? Un peu élevés, peut-être ? demanda-t-elle quand ils furent parvenus dans le choeur du futur édifice en croix grecque.
    — Non... La hauteur est la bonne, c’est en largeur qu’ils sont peut-être un peu justes...
    — Vous comme moi, nous aimons voir grand.
    — Ce n’est pas nous qui voyons grand, chère Diane ; ce sont les autres qui font tout trop petit.
    De loin, l’on eût dit deux idoles, l’une écarlate et l’autre noire, que l’on menait en procession. La duchesse de Valentinois se lovait dans ses coussins, comme amollie par la complicité.
    — Mon cher Charles, minauda-t-elle alors que sa chaise évoluait un peu en avant ; que diriez-vous d’un monde conçu rien que pour nous ?
    Le cardinal attendit que son accotoir vienne au niveau de celui de la maîtresse des lieux, et prit sa main dans la sienne, pour la baiser. Les deux pointes de sa barbe chatouillèrent un peu la duchesse.
    — Un monde rien que pour nous ? Mais c’est déjà celui que nous construisons ! Envers et contre tous...
    Elle hocha la tête avec grâce ; en dépit des années, elle conservait ainsi des attitudes d’un charme inouï... Le cardinal tenait toujours sa main, et les porteurs avaient grand soin de les maintenir l’un près de l’autre.
    — Naturellement, concéda-t-il, tout serait plus facile sans les méchants qui multiplient les pièges sous nos pas...
    Il ménageait son effet.
    — Ainsi de M. le connétable. Vous étonnerai-je en vous disant qu’il nous prépare, en ce moment même, un de ses mauvais coups ?
    Diane s’était redressée, tant bien que mal, dans sa chaise ; il insista.
    — Un très mauvais coup, même ! Figurez-vous, chère Diane, que des personnes de toute confiance l’ont vu s’introduire de nuit chez la reine d’Ecosse.
    — Montmorency chez la reine d’Écosse ?
    — Autant dire : chez une enfant !
    — Mon Dieu, mais que vient-il y faire ?
    — Je vous laisse l’imaginer... Faut-il que le barbon soit vicieux, tout de même, pour oser s’en prendre à la vertu d’une enfant ! À moins que ce manège n’ait un but plus politique-
    Diane observait son ami du coin de l’oeil, d’un air tout à la fois inquiet et fasciné.
    — Après tout, expliqua le cardinal, ce personnage a toujours voulu du mal à ma famille... Il se dit peut-être qu’en jetant le discrédit sur notre innocente nièce, c’est toute notre maison qu’il flétrira.
    — Ce que vous dites est ignoble.
    — Mais c’est Montmorency qui l’est !
    Sur un signe discret de leur maîtresse, les porteurs avaient repris le chemin du logis. Les deux chaises allaient toujours de concert, doucement ballottées comme par le flux d’une rivière.
    Avant même d’aborder au perron, Diane avait échafaudé un plan.
    — Je vais, déclara-t-elle à son ami, vous confier une certaine clé qui ouvre, chez la reine d’Ecosse, la porte d’une resserre. Cette pièce donne elle-même sur le grand vestibule. Vous pourrez ainsi cacher commodément un espion dans la place, et vous renseigner plus avant sur les agissements du monstre.
    Le cardinal de Lorraine l’enveloppa d’un sourire enjôleur.
    — Pour un peu, dit-il, j’irais faire le guet moi-même.
    — Pour un peu, je vous
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