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Madame Catherine

Madame Catherine

Titel: Madame Catherine
Autoren: Franck Ferrand
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Griffon !
    La duchesse hurlait à présent.
    — Pierre du Griffon que j’ai fait et qui me doit tout ! L’ingrat, le misérable ver de terre ! Mon Dieu, mon Dieu...
    Elle frappa le sol de sa canne – en fait une corne de licorne {8} dont Vincent ne parvenait pas à détacher son regard. L’intendant rentra essoufflé, plus tendu que jamais.
    — Madame la duchesse ?
    — À présent, mon ami, j’exige – m’entendez-vous ? – que nous partions sur-le-champ.
    — Mais... Fort bien : mettons-nous en route ; le reste suivra.
    — C’est cela : le reste suivra !
    Elle toisa Vincent d’un air courroucé, puis se dirigea vers la sortie.
    — Viens-tu ? À moins que tu n’aies l’intention de dévorer toute ma basse-cour !
    Le jeune clerc la fixa d’un air interloqué : se serait-il montré glouton, selon sa mauvaise habitude ? Il s’essuya les lèvres au revers de sa manche, récupéra ses vêtements toujours mouillés, et emboîta le pas claudiquant de la grande dame. Au fond, cette aventure l’amusait beaucoup.

 
    Sainte Chapelle de Saint-Germain-en-Laye.
    L’image du sanglier, qui collait à la peau du connétable de Montmorency, tenait – outre sa corpulence massive – à la réputation mêlée qu’il s’était acquise de brutalité militaire et de vigueur amoureuse. Accessoirement, elle se compliquait d’une piété sincère et diffuse, pouvant conduire le fidèle à certaines incongruités ; ainsi l’avait-on vu, en 1548, occupé de mater une révolte en Guyenne {9} , interrompre son chapelet pour ordonner des exécutions capitales, puis reprendre sans ciller le cours de ses dévotions... « Dieu nous garde, avaient conclu les Bordelais, des patenôtres de M. le connétable ! »
    La Cour étant à Saint-Germain, il saisissait, entre les conseils et les chasses, la moindre occasion de fréquenter la Sainte Chapelle, dont l’édification du château venait d’occulter la grande verrière, au couchant... Agenouillé sur un prie-Dieu qu’il écrasait sous son poids, il semblait alors s’abîmer dans une méditation profonde.
    C’est là que vint le trouver, par une après-dînée orageuse et triste, la trop belle gouvernante de Marie Stuart. Lady Jane était une fille naturelle de l’ancien roi d’Écosse Jacques IV, que sa mère avait su marier, in extremis, avec un lord Flemming qui ne l’avait jamais encombrée. Sa beauté était si grande que, même camouflée sous un chaperon de linon gris, elle irradiait encore ; et ce fut comme si, à son entrée dans la chapelle, le choeur s’était trouvé baigné d’une autre lumière.
    Elle s’agenouilla tout près du connétable, mais attendit, pour lui parler, qu’il l’eût repérée et saluée.
    — Notre bon sire, lança-t-elle sans détour à voix basse, aura bientôt sujet d’être content. Les médecins n’osent se prononcer encore, mais il se pourrait bien que je sois... dans une position avantageuse.
    Montmorency demeurait impassible ; au point que lady Jane se demanda un moment s’il avait bien entendu.
    — Quand le saurez-vous fermement ? susurra-t-il enfin.
    — Dans une semaine, ce sera tout à fait sûr.
    Il y eut un nouveau silence.
    — Je vous en parle, reprit-elle, comme à un homme que cela peut intéresser, et comme à l’instigateur de toute cette aventure.
    Montmorency ne bronchait toujours pas. Mais au fond de lui, furieux, il se voyait saisir cette catin par les cheveux, la secouer jusqu’à lui arracher de longues mèches, la gifler tant et plus, la jeter à terre et la piétiner à l’envi.
    — Vous me voyez un peu surpris, mais très heureux, dit-il seulement.
    — Vous pourriez parrainer l’enfant, hasardat-elle d’une voix si fluette qu’elle était presque imperceptible.
    « La charmante attention ! »
    Le connétable – enfin – se tourna vers elle et sourit. Mais son regard ne suivait pas le mouvement de ses lèvres.
    — Il ne faut pas encore que le roi sache cela, murmura-t-il. C’est trop tôt.
    Ainsi donc, cette idiote allait tout gâcher. On la hissait à toute force dans le lit du monarque, et au lieu de saisir sa chance, d’envoûter le royal amant, de le retenir par tous les secrets d’une science amoureuse – au lieu d’en faire sa chose, en somme – elle se laissait engrosser comme la dernière des filles de ferme et, non contente de faillir, se faisait gloire de ce qui aurait dû la mortifier !
    — Le roi est très attentif aux intérêts
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