Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
vrai, dit-il, je ne puis rien t’offrir.
    – Rien ! dit Saïtano. Rien ? se reprit-il frappé d’une idée soudaine. Eh bien, oui ! monseigneur, vous pourriez… mais non… la reine elle-même n’a pas pu.
    – Qu’est-ce ? Parle ! Plus que la reine, je puis peut-être te satisfaire.
    – Monseigneur, souvent, pour les recherches que je fais depuis des ans, j’ai eu besoin de cadavres… qu’avez-vous ?
    Jean sans Peur avait frissonné. Il s’était écarté du sorcier et avait tracé un rapide signe de croix. Il faut voir comme ils sont les rudes êtres de ce temps. Isabeau, déchaînée dans le vice et le crime, Isabeau, qui, de sa main, avait poignardé le vieux Champdivers, qui était prête à étrangler Odette, Isabeau avait refusé de s’associer à des maléfices de sorcellerie. Le meurtre, la guerre, la lutte sanglante ou sournoise, la bataille, la ruse, le guet-apens, tout ! mais pas d’accointances avec l’Enfer !
    Jean sans Peur était en homme ce qu’Isabeau était en femme.
    – Voilà que déjà vous reprenez votre parole ! dit Saïtano qui eut un rire aigre et méchant.
    – Non, par tous les démons ! Parle sans crainte.
    – Je vous disais donc que j’ai eu souvent besoin d’interroger la mort. Que faire ? Un pauvre sorcier comme moi, guetté par tout le voisinage, tenu à l’œil par le prévôt, est obligé à certaines précautions s’il veut vivre. Or, je veux « vivre ! » ajouta Saïtano d’une voix passionnée. J’ai donc à moi quelques braves compagnons qui risquent de temps en temps leur peau contre un peu d’or. Sur un signe de moi, ils s’en vont, par les nuits sombres, faire un tour à Montfaucon ou au gibet des Halles, ou aux Fourches de la Grève, décrochant l’un de ces fruits que fait pousser la justice prévôtale, et me l’apportent. Mais que de mal pour si peu de chose ! Oui, bien peu, car ces cadavres, monseigneur, ont été pendus depuis plusieurs heures, quelquefois depuis deux ou trois jours. C’est trop tard… C’est à peine s’ils me servent à me perfectionner dans l’étude du corps humain. Ce qu’il me faut, ce que je cherche, c’est deux ou trois morts où la vie palpite encore, des corps où le sang ne soit pas figé encore… alors je…
    Saïtano s’arrêta brusquement. Il y eut entre ces deux hommes quelques minutes de silence lugubre, le sorcier oubliant jusqu’à sa soif de vengeance pour suivre la fulgurante chimère qui l’emportait, le duc se disant que pour conquérir Odette, s’il le fallait, il en viendrait à signer un pacte avec l’Enfer.
    – Je puis, commença Jean sans Peur.
    – Vous pouvez ! cria Saïtano.
    – Je puis te donner des cadavres, acheva le duc de Bourgogne en se signant.
    – Il m’en faut trois ! dit Saïtano d’une voix basse et rapide.
    – Trois, soit. Trois hommes vont être pendus. Leur crime importe peu.
    – Jeunes ? haleta le sorcier. Sains ? Vigoureux ?
    – Oui. Jeunes, sains, vigoureux. Ils sont trois. Je les tiens. Ils dépendent de ma justice. Ils seront pendus dans l’arrière-cour de l’hôtel. Cette exécution peut se faire la nuit. Les cadavres peuvent être chez toi une demi-heure après.
    – Une demi-heure, murmura Saïtano, un siècle… Vous dites, monseigneur, que vous tenez ces trois hommes ?
    – Ils sont dans les cachots de l’hôtel.
    – Puis-je les voir ?
    – Venez, dit Jean sans Peur.
    Pour mettre à son plan la scène qui va suivre, il nous faut remonter de quelques heures le cours du temps, et revenir au moment où le duc de Bourgogne donna l’ordre à son capitaine des gardes de se saisir de Bruscaille, Bragaille et Brancaillon. Les trois sacripants dormaient, la conscience paisible et le ronflement sonore, dans le dortoir qui leur était affecté, large pièce située dans les combles de l’hôtel de Bourgogne, lorsqu’ils furent rudement secoués dans leur lit par le capitaine qui criait : « Holà, holà, compaings, éveillez-vous, tripes du diable, car monseigneur veut vous voir à l’instant ! »
    Persuadés qu’il s’agissait de quelque expédition, les dormeurs furent debout en un clin d’œil, s’habillèrent rapidement et voulurent saisir leurs dagues.
    – Non, non, laissez cela, dit le brave capitaine. Pour ce que vous avez à faire, il n’en est nul besoin.
    Bruscaille jeta un vif regard au capitaine. Ce regard rebondit sur la porte entrebâillée et il aperçut les douze ou quinze hommes d’armes
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher