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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol
Autoren: Michel Zévaco
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I – LA REINE
    Dix heures du soir vont sonner…
    Dans la vaporeuse atmosphère de la nuit d’été, en ce coin de Paris qui s’étend de la rue Saint-Antoine à la Seine, c’était une saisissante vision que celle de cette formidable enceinte crénelée sur laquelle pèse un vaste silence…
    C’est une forteresse géante où dix mille hommes d’armes se peuvent loger, une forêt de tours, de beffrois, de flèches, de clochetons, une cité fantastique où les musiques des fêtes et les orgues de huit chapelles chantent tour à tour la gloire de Satan et celle de Dieu, tandis que le rugissement des lions, du fond des cages, répond au cri de veille des sentinelles, une véritable ville féodale enfin, où dans six jardins et quatorze cours s’espacent à l’aise le palais du roi, le palais de la reine, l’hôtel des Archevêques, le logis de Pont-Périn, l’hôtel de Saint-Maur, le palais de Beautreillis, somptueux édifices gothiques dominant de leurs campaniles vingt autres bâtiments épars dans l’enceinte.
    Cet immense domaine porte un nom que partout on murmure parmi de mystérieux récits, d’exorbitantes légendes :
    Cela s’appelle L’HÔTEL SAINT POL.
    Dix heures du soir vont sonner…
    Au palais de la reine, tout se tait…
    Au fond de la fastueuse chambre à coucher, en costume d’apparat, cotte-hardie lamée d’argent, voile de dentelle retombant du hennin, se tiennent les trois filles d’honneur, immobiles.
    Devant un haut miroir d’acier, les poignets encerclés d’émeraudes, les mains scintillantes de bagues selon la mode qu’elle a importée, les yeux d’un bleu noir, la chevelure blond ardent, éblouissante dans l’éclat de ses dix-huit printemps, Isabeau de Bavière, la reine de France.
    Elle écoute, elle attend, elle écoute encore, elle est nerveuse, impatiente, elle soupire – et, tout entière, elle tressaille lorsque sonnent dix heures… enfin ! Alors elle se retourne :
    – Pour cette nuit, vous avez congé. Des escortes vous reconduiront au logis Passavant, Laurence ; – à l’hôtel de Coucy, Blanche ; – et vous, Colette, à l’hôtel de Saveuse. Allez.
    En parlant ainsi, sa voix grelotte comme lorsqu’une rafale de folie ravage un cerveau. Et son masque d’étrange beauté se convulse sous l’effort de quelque terrible émotion.
    Les demoiselles d’honneur s’inclinent en une lente révérence, et quand elles se redressent, l’une d’elles, cette fille, là près du lit, si belle, si pure, si touchante, Laurence d’Ambrun est devenue pâle comme la cire des flambeaux qui éclairent cette scène. Sûrement, c’est une âme en détresse. Il y a du désespoir dans l’attitude de cette jeune fille, et ses yeux reflètent quelque douleur sans remède… La reine pâlit à son tour. Et d’une voix altérée où vibre on ne sait quel menaçant soupçon :
    – Vous avez la mort sur le visage, d’Ambrun !… Pourquoi ?… Répondez !…
    – Un malaise, Majesté, répond Laurence avec effort. Si vous daignez le permettre, je resterai au palais.
    – Rentrez chez vous ! gronde la reine. Rentrez et reposez-vous cette semaine, reprend-elle plus calme. Allez, ma chère. Demain, je vous enverrai mon guérisseur au logis Passavant.
    Laurence bégaie un morne remerciement, et sort avec ses compagnes.
    – Oh ! songe-t-elle, éperdue, elle nous renvoie ! C’est le comte de Nevers qu’elle attend ! Je le sais ! J’en suis sûre… le malheur est sur moi ! Le malheur et… le châtiment !… Seigneur, Seigneur, ne punissez que moi, et sauvez l’innocente !…
    Elles traversent la salle de Mathebrune attenante à l’appartement privé : déserte ! – puis la salle de Théseus : déserte ! – puis la galerie monumentale à double colonnade : déserte ! On a fait le vide dans le palais de la reine !…
    Et, tandis que Blanche de Coucy et Colette, de Saveuse, obéissant à l’ordre, descendent le majestueux escalier en granit d’Égypte, franchissent les cours et quittent l’Hôtel Saint-Pol, Laurence d’Ambrun demeure là, appuyée à une colonne de la galerie, les mains jointes, désespérée. Et d’un accent d’affolement, elle murmure :
    – Il va venir !… C’est fini !… Adieu mon dernier espoir !… Il aime la reine !…
    Quelques minutes, Isabeau a écouté les bruits qui s’éloignent, s’étouffent, s’éteignent. Alors, sûre de la solitude, elle s’élance ; de son pas onduleux et souple, elle parcourt
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