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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine
Autoren: Jean-François Parot
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n’avoir point tout entrepris pour sauver de la débâcle un frère chéri. Il en avait pourtant les moyens. Ses remords ne répareraient rien. Sur le moment, il avait estimé ne pas devoir se mêler d’un mariage arrangé, comme il y en avait tant, qui finirait par construire tant bien que mal une union acceptable. Plus tard son frère et sa belle-sœur avaient péri des fièvres de retour des Indes, après avoir reconstitué leur fortune au service d’un radjah.
    Certes, au début de cette union, Jacques Bougard de Ravillois l’avait séduit par l’apparent respect porté à sa femme et par la déférence qu’il manifestait à son propre égard. Mais les échos parvenus jusqu’à lui des frasques du personnage et les demandes de plus en plus pressantes d’aide financière, qui avaient suivi, l’avaient rapidement désabusé. Au début il avait cédé. La vieille Bougard, cette gaupe, pressait son fils dans le sens d’une avide rapacité. Non contente de cette conduite indigne, elle exerçait sur sa bru une cruelle sujétion et se plaisait sans relâche à martyriser son petit-fils.
    L’affection du vieil homme s’était reportée sur Charlotte, sa seule parente, désormais riche à millions. Hélas ! En un éclair, le goujat, arguant brutalement de sa mise en fonds initiale, avait fondu sur sa proie. Au pharaon, aux courses cette nouvelle mode insensée, avec les filles ou en achats somptuaires, le mari avait dilapidé ce pactole dont ne subsistaient que quelques pierres précieuses. Un soir, il avait, quasiment de force, arraché ces joyaux à
l’épouse éplorée. Longtemps après, il les avait secrètement confiés à son petit-neveu qui avait écouté ses instructions, son conseil de les dissimuler au mitan de ses jouets, avec ses billes par exemple. En outre, il lui avait remis un papier dont lui-même souhaitait ignorer l’endroit où Charles le dissimulerait. Mille recommandations avaient suivi sur son importance, et de n’en user que dans un péril extrême. Il s’en remettait à sa sagesse et à son bon sens pour déterminer à qui il pourrait faire confiance. Encore faudrait-il que le destin s’en mêle… Il éprouva une ultime jouissance du bon tour qu’il faisait. À bien y réfléchir cette incertitude lui plaisait. L’enfant, les yeux dans ceux de son parrain, avait juré.
    Le samedi, après avoir pris sa résolution, il avait dépêché Tiburce, son vieux valet, dûment prévenu de l’importance de sa mission, porter un pli convoquant mardi, à trois heures de relevée, maître Gondrillard, son notaire. Il avait décidé, c’était devenu une idée fixe, de modifier ses dernières volontés et de refaire son premier testament établi au bénéfice de sa nièce. Le texte manuscrit en était prêt et même signé. Il jugeait désormais Charlotte sous influence, aveuglée par une bonté qui tournait à la bêtise, ignorant être trompée et s’en remettant à son mari pour toutes choses. Elle ne saurait défendre son hoirie 1 . Il ne s’en était ouvert à quiconque ; Tiburce devait s’en douter, mais c’était un autre lui-même. La totalité de son bien, plus imposant que ses proches ne le supposaient, irait à son petit-neveu Charles. Toutefois l’enfant étant encore trop jeune pour gérer une telle fortune, il entendait confirmer un exécuteur testamentaire qui écarterait les convoitises prévisibles autant que de besoin. Jadis, son choix avait été longuement médité et il n’y avait aucune raison
de le modifier. Certes, personne ne régnait sur l’avenir, mais… Il chassa une pensée importune. Avec peine il se leva et gagna la grande table de chêne pour écrire un court message avec un nom dont il fit un double qu’il dissimula dans le tiroir secret de l’un des deux cabinets d’Augsbourg qui lui venaient de son bisaïeul. Il posa l’original sur la tablette de la cheminée à côté du nouveau testament. Il étouffa les chandelles d’un flambeau, puis épuisé par l’effort, le souffle court mais satisfait de toutes ces précautions, il regagna sa couche.

    Au bout d’un moment, il se sentit mieux et décida de demander sa tisane. Il n’était pas assuré qu’elle lui ouvrirait les portes du sommeil, mais s’il ne la prenait pas il était sûr du contraire. Dans l’obscurité à peine dissipée par la lueur d’une veilleuse, il chercha le cordon de la sonnette. Il avait tenu, en dépit des vives protestations de la vieille Bougard, à conserver ce
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