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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine
Autoren: Jean-François Parot
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lit à baldaquin dans lequel il était né. On ne pouvait passer outre à sa volonté. Sans son aide, son neveu le savait bien, l’hôtel en serait resté aux fondations. Il tâtonna, n’y voyant presque plus. Il parvint à saisir le cordon le long des courtines. Les forces lui manquaient. Il s’y cramponna. Il lui semblait qu’un obstacle s’opposait à ses efforts. Il se retourna sur lui-même pour tirer avec la force de tout son corps affaibli. Diable ! pensait-il, le cordon est bel et bien coincé. Parfois la femme de chambre qui assurait le ménage de ses appartements accrochait le lien à l’une des colonnes tourneboulées du lit. Essoufflé, il redoubla ses tentatives. Une sorte de poudre tomba sur son visage, il éternua en s’étranglant. Dans un dernier craquement, le ciel de lit chut, les courtines entraînées par le lourd châssis se pla
quèrent sur son visage sans qu’il parvienne à les soulever. Son cœur lui faisait mal, il étouffait. Enfin, après quelques soubresauts, sa main crispée se détendit alors qu’en bas la fête battait son plein.

I
    Danse macabre
    « C’étaient trois morts de vers mangés
    Laids et défigurés de corps. »
    Baudouin de Condé

    Mardi 6 juin 1780
    Qu’on vînt d’aussi bon matin le chercher en tout hâte de la part du lieutenant général de police marquait la gravité de l’affaire qui justifiait ce traitement. Et de surcroît le carrosse de M. Le Noir ! Peste ! Voilà qui changeait de la routine et de la monotonie des semaines précédentes. Sûreté de la famille royale, traque habituelle et vaine des libelles dont le nombre ne faisait que croître, surveillance des étrangers et poursuites contre les menées des espions anglais, avaient également partagé son temps. Il est vrai qu’il sortait d’une enquête qui avait défrayé la longue séquelle des services ordinaires.
    Depuis 1778, un étranger, jeune encore qu’on ignorât son âge réel, alimentait les conjectures. À la
ville et à la cour, il était l’objet de toutes les conversations. Pour les uns, c’était un intrigant, laissant volontairement planer le doute sur ses origines illustres, pour les autres un bâtard d’un comte de Paradès, grand d’Espagne mort au service de la France. Il avait surgi à Versailles et, on ne savait par quel entregent, était entré dans la confiance de Sartine. Chargé de recueillir des informations concernant les mouvements des ports, il s’était rendu à plusieurs reprises en Angleterre et en Irlande. Depuis il bataillait dans les conseils de guerre, soutenant l’idée d’une descente sur Plymouth présenté comme le port le plus vulnérable à une attaque française.
    Pour confiant qu’il fût dans la rectitude du personnage à qui il avait confié des sommes considérables au détriment du budget de son département, le ministre, méfiant par nature, avait, malgré cet enthousiasme, chargé Nicolas d’enquêter secrètement sur le héros du jour. Par les voies détournées, en fait des navires de commerce hollandais, Nicolas maintenait ses contacts avec Antoinette 2 dont la mission essentielle était de renseigner Sartine sur les mouvements de la croisière anglaise. Ce qui transpira de son enquête ne laissa pas d’inquiéter le roi à qui ces informations navales étaient portées chaque semaine par son premier valet de chambre et homme de confiance. Une conférence dans son cabinet réunit Sartine, Nicolas et Thierry de Ville d’Avray.
    À leur grande surprise et bientôt inquiétude, il apparut que les renseignements fournis par le comte de Paradès ne correspondaient d’aucune manière à ceux procurés par la vaillante Antoinette. Elle en fut dûment informée et, bien placée auprès de lord Aschbury, chef des services anglais, finit par découvrir que l’intéressé jouait double jeu dans l’unique
sens des intérêts ennemis dont il était l’instrument docile chargé d’engager les Français dans des voies erronées et périlleuses pour leurs armées.
    La révélation fut amère et malaisée à avaler. Non seulement l’homme bénéficiait de l’appui de Sartine, mais il venait d’être nommé colonel, avait été présenté au roi et montait dans les voitures de la cour. Il avait captivé à tel point le comte d’Aranda, ambassadeur d’Espagne, que celui-ci ne jurait que par lui et envisageait de le pousser à la grandesse. S’entretenant avec le prince de Croÿ, connu au chevet de Louis XV à l’agonie,
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