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L'expédition

L'expédition

Titel: L'expédition
Autoren: Henri Gougaud
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en lui, mon fils, cogne des pieds, des poings, hurle, réveille-le. Mille fois il te préfère à ses compagnons, à ses pères, à ses maîtres. Détourne-le de la guerre, moi seule je ne peux pas. Fais qu’il se tourne vers nous, qu’il nous voie, nous entende, par pitié fais cela, toi qui déjà me donnes tant, toi par qui me vient tout, la force, la fatigue, l’espoir et le souci et la consolation. »
     
    Une bouffée de jour envahit tout à coup la pénombre où elle sanglotait Béatrice apparut sur le pas de la porte, en criaillant que les hommes et les enfants du château étaient tous à l’assaut de la tour et qu’il y avait des morts.
     
    Le soir venu, Jourdain et Thomas l’Écuyer s’en revinrent fourbus à la maison où les deux femmes avaient passé la journée à les attendre. Du coin de l’âtre où elles étaient elles entendirent le bruit de leurs bottes sur le sentier, dressèrent la tête, les regardèrent passer devant la lucarne ouverte. De les voir sains et saufs elles tremblèrent et gémirent. À leur mine revêche et leur enjambée lourde, avant même qu’ils aient franchi le seuil de la demeure elles surent qu’ils n’avaient pas chassé les mercenaires basques de leur repaire et que ceux des leurs qui avaient perdu la vie dans les rocailles leur pesaient infiniment. Ils s’en furent s’asseoir auprès du feu que Béatrice, gonflant ses joues de vent, s’empressa de raviver. Jeanne leur servit un bol de soupe puis toutes deux se tinrent immobiles derrière eux tandis qu’ils risquaient prudemment leur bouche au bord du breuvage fumant. Ils ne leur parlèrent pas. Jourdain dit au jeune homme que du pan de rocher où ils s’étaient abrités pendant que Pierre braillait à la retraite dans le soleil couchant il avait aperçu des ennemis jeter de la terrasse de longues cordes au fond de l’abîme. Ils restèrent muets à les imaginer amenant à eux de nouveaux hommes d’armes, et des fagots de flèches, et des paniers de vivres, et des outres de vin. « Ils sont là pour toujours », pensa soudain Thomas. Il regarda son maître, prit son souffle pour parler, se tut, tout apeuré. Jourdain, rassemblant dans l’âtre des braises débordantes, à voix lasse lui dit :
    — Tu sauveras les femmes.
    Jeanne et Béatrice brusquement remuèrent. Avant même qu’elles aient pu dire les paroles véhémentes qui leur montaient en bouche il se dressa et ordonna que l’on rassemble des hardes pour la nuit. Il sortit sans attendre que ce fût fait. Les autres se bousculèrent à sa suite, et peinant à marcher à son pas s’en furent jusqu’à la poterne où un coup de vent ténébreux les poussa dans la cour du château. Tout y était en paix sereine et résignée.
    À peine entendait-on la voix frêle d’un vieillard monter vers le ciel noir. Il lisait en un livre, près d’une lampe posée sur un tonneau, au milieu des parfaits des cabanes assemblés en rond autour de lui. Dans l’abri des auvents parmi la paille des gens se tenaient blottis sous des monceaux de guenilles. Ils avaient eux aussi déserté leur maison. Certains ronflaient dans ces chaleurs crasseuses, d’autres pleuraient doucement. Béatrice et Thomas se frayèrent entre eux un passage indécis jusqu’à l’ombre de l’écurie. Jourdain conduisit Jeanne à l’étage du donjon, la confia aux servantes puis s’en revint dans la salle basse où Pierre l’attendait avec Bernard Marti.
    Ils parlèrent un peu des misères du jour, calmes, sombres, peu francs, n’osant se regarder qu’à la dérobée, puis Pierre s’accroupit devant la cheminée, se brûla les doigts à la broche où rôtissait une volaille maigre, maudit d’un coup tous les saints de la terre, botta furieusement les bûches d’où jaillirent des volées d’étincelles et s’en fut sans manger dans un recoin obscur. Bernard, du banc étroit où il était assis, le suivit d’un œil, l’air amusé, puis parut s’endormir. Jourdain s’allongea près de lui, et chacun s’en alla sur ses chemins intimes affronter le même souci du lendemain. En vérité, tous trois savaient qu’ils ne tiendraient guère au-delà de l’hiver.
     
    La veille de Noël, un bref regain d’espoir pourtant les ranima. Une lueur brilla sur le pic de Bidorte où Escot de Belcaire avait à nouveau allumé un bel incendie. Le comte de Toulouse apparemment bougeait, selon ce que disait la lumière mouvante. Mais le premier brasier s’était éteint sans
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