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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi
Autoren: Mireille Calmel
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l’enfant qu’elle n’avait pas tardé à porter. Un fils naquit, Mary Oliver, chétif et roux, que, comme Cecily, la famille Read ne voulut pas connaître.
    Une année durant, ils furent toutefois heureux, ne regrettant rien de leur folie. Puis le navire sur lequel John s’était engagé partit pour les Indes occidentales et s’abîma en mer. Cecily porta le deuil. Désespérée, elle se réfugia chez son vieil oncle, qui mourut à son tour quelques mois plus tard. Cecily tenta alors de forcer la porte et l’affection des Read. Elle ne reçut que mépris.
    Deux saisons passèrent. Cecily avait trouvé un emploi de femme de chambre qui assurait son quotidien et celui de son fils. Puis elle rencontra un autre marin qui prétendit l’aimer. Au lieu du mariage promis, c’est un second enfant qu’il lui donna, une fille que Cecily baptisa Mary Jane. Il partit un matin et ne revint jamais. Nul, pas même le capitaine du navire sur lequel il s’était engagé, ne sut ce qui lui était arrivé.
    Cecily, refusant de penser qu’il l’avait abandonnée, l’imagina mort, tué par des brigands. C’était monnaie courante dans ces ruelles de Londres où toute la misère de l’Angleterre se côtoyait, selon la loi du plus fort.
    Pour oublier, Cecily suivit ses patrons dans la petite ville de Hull où elle cacha son déshonneur.
    À la mort de Mary Oliver, vaincu par les fièvres d’un hiver pluvieux, Cecily avait sombré dans la dépression, incapable de supporter encore le poids de cette implacable fatalité. Malgré la compréhension et la patience de ses maîtres, elle s’était finalement fait renvoyer pour négligence. Elle avait regagné Londres avec sa fille, vivotant des petites économies qui lui restaient.
    Apprenant par hasard la mort de sir Edward Read, son beau-père, une idée lui avait traversé l’esprit. Une idée qui pouvait peut-être les sauver toutes deux.
    Elle avait donc décidé de l’expérimenter.
    Habillant Mary des vêtements de son défunt frère, elle avait choisi de la faire passer pour lui auprès de ses amants. Tous semblèrent s’y laisser prendre.
    Devant eux, depuis quelques mois, s’appliquant à son rôle, Mary créditait d’une révérence la douce folie d’une femme qui se plaisait à aimer, pour oublier qu’elle ne l’avait, elle, jamais été.
     
    Mary laissa sa mère essuyer une larme qui n’avait plus à présent que le goût de l’habitude, et attendit poliment qu’elle enchaînât d’une voix frémissante :
    — C’est donc réglé, n’est-ce pas, Mary ? Désormais, tu seras mon ange. Mon ange gardien.
    — Jusqu’à ce que la mort nous sépare, mère, promit l’enfant, espérant de toute son âme se montrer digne de la confiance que celle-ci lui portait.
     
    L’après-midi même, Cecily revêtait sa robe la plus neuve qui, par chance, était d’un prune fort seyant, l’assortissait d’un mantelet de camelot noir et conduisait Mary dans une demeure cossue du côté de l’abbaye de Westminster.
    Lady Read, altière et digne, auprès de laquelle Cecily se fit annoncer, les reçut froidement.
    Le simple fait pourtant qu’elle leur autorisât sa porte constitua pour Cecily une grande victoire, qu’elle cacha derrière une révérence soignée et humble.
    — Madame, voici Mary Oliver, votre petit-fils. J’aimerais vous entretenir de lui en privé, si vous le permettez.
    — Suivez-moi, lui répondit sèchement lady Read, laissant l’enfant aux soins de Jenny, sa domestique.
    Cecily lui emboîta le pas et se retrouva dans un petit salon cossu qui instantanément la renvoya à sa misère. Elle ravala sa fierté et fit face à cette dame, endeuillée encore jusqu’au regard pâle, les cheveux blanchis, impeccablement rassemblés dans un chignon strict.
    Elle était telle qu’en son souvenir, revêche, sur la défensive.
    — Je m’en viens mendier encore une fois, poursuivit Cecily, comprenant qu’on ne lui offrirait pas davantage un siège qu’un chocolat. Croyez bien que ce n’est pas pour moi, mais pour votre petit-fils, que j’élève de mon mieux.
    Un silence glacial lui répondit. Cecily prit un air désespéré et insista :
    — J’avais pensé que cet enfant, souvenance de vos propres chair et sang, pourrait vous convaincre de notre misère. Il mérite ce que vous m’avez refusé. J’ai à peine de quoi le nourrir malgré un emploi de femme de chambre et rêve de lui donner une éducation à laquelle il serait en droit de
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